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l’habitude prévalut de rapporter au professeur anglais la découverte des fonctions des racines. Il en fut ainsi jusqu’à ces dernières années. C’est tout récemment qu’une sorte de procès en révision a été ouvert contre cette sentence par M. Claude Bernard et par quelques jeunes professeurs, parmi lesquels il faut citer M. Vulpian. Il s’ensuivit une controverse qui peut être considérée comme le pendant de cette autre enquête suscitée de nos jours au sujet de Pascal et de Newton. Ici aussi on alla rechercher des textes, et M. Vulpian paraît avoir produit les argumens les plus utiles à la décision du litige en retrouvant la teneur des écrits originaux de Bell, que le public n’avait connus que remaniés et corrigés.

La découverte des fonctions distinctes des nerfs rachidiens ouvrit une ère de progrès rapides. Trois élémens différens se trouvaient mis en évidence dans les phénomènes de sensation et de locomotion, le muscle, le nerf moteur, le nerf sensitif, et l’anatomie, venant en aide à la physiologie, apprenait à les spécialiser. L’analyse anatomique des tissus musculaires et nerveux a surtout fait depuis vingt ans de grands progrès en Allemagne. Le muscle se réduit à une fibrille élémentaire dont la grosseur ne varie guère qu’entre un et deux millièmes de millimètres; cette fibrille se compose d’un tube élastique et d’une substance intérieure éminemment contractile. Les troncs nerveux se décomposent aussi en fibres plus fines encore que les fibres musculaires. Ces fibres nerveuses sont constituées par une enveloppe hyaline et par une sorte de moelle qui la remplit; au centre du tube est un filament très ténu qu’on appelle le cylindre-axe, et qui est la partie conductrice vraiment essentielle de l’élément nerveux. Les tubes moteurs paraissent généralement plus gros que les tubes sensitifs, quoique la structure des uns et des autres soit semblable; mais c’est par les extrémités des filamens que diffèrent surtout les deux ordres de nerfs. Le cylindre-axe de la fibre motrice prend naissance au centre dans une cellule nerveuse spéciale (cellule motrice), et à son extrémité périphérique il se termine dans le muscle en formant une sorte de plaque ou intumescence qui a été étudiée d’abord en Allemagne par M. Kühne, et récemment en France par M. Rouget, professeur à la faculté de médecine de Montpellier. Le cylindre-axe de la fibre sensitive commence dans la peau ou dans une autre partie sensible du corps, et vient s’insérer au centre dans une cellule spéciale appelée cellule sensitive. Des communications tubulaires sont d’ailleurs établies entre les cellules sensitives et les cellules motrices, et leur permettent de réagir les unes sur les autres.

La structure anatomique des trois élémens, musculaire, moteur, sensitif, arrivait ainsi à être mieux connue au moment où les propriétés physiologiques en étaient mises en lumière par des travaux