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ainsi qu’au milieu même de ces fêtes éclate la secrète faiblesse de cette reconstruction de l’empire autrichien, qui ne peut plus être allemand et qui a tant de peine à être autre chose. Les francs-tireurs sont partis, laissant leur drapeau comme un souvenir ou comme un gage entre les mains du maire de Vienne jusqu’au prochain concours, et rien n’est changé, si ce n’est que l’Autriche a savouré un moment une popularité qu’elle ne connaissait guère, qu’elle doit à son attitude nouvelle de puissance libérale.

L’unité allemande, l’unité italienne, ce ne sont plus seulement des mots sonores dans la politique, ce sont des réalités avec lesquelles il faut compter. L’une est accomplie, l’autre est bien près de s’accomplir. L’unité ibérique aurait-elle quelque jour la même fortune ? Il faudrait d’abord une certaine préparation, une certaine fusion d’idées et d’intérêts. L’Espagne et le Portugal n’en sont point là malgré les rêves de quelques esprits échauffés, toujours portés à lever le drapeau de l’unité ibérique au-delà des Pyrénées. L’Espagne en est encore aujourd’hui à savoir sous quel régime elle se réveillera demain, si l’excès d’une réaction absolutiste n’amènera point des révolutions nouvelles. Le chef du cabinet de Madrid marche fort confiant dans la voie où il s’est engagé ; il restera confiant jusqu’à ce qu’il se réveille en face de quelque catastrophe qu’il aura préparée. Le Portugal, sans être exposé à des perturbations si profondes, en restant en possession d’une liberté mieux affermie, d’un régime constitutionnel dont nul ne songe à diminuer les garanties, le Portugal n’est pas tout au moins à l’abri des crises ministérielles, qui deviennent assez fréquentes depuis quelque temps. Un cabinet est tombé à Lisbonne, il y a quelques jours, après six mois d’existence à peine, et il n’est pas certain que le ministère nouveau qui le remplace puisse se promettre une longue vie. Le ministère d’Avila, qui vient de tomber, s’était formé au.mois de janvier dernier ; il avait succédé à un cabinet dont les chefs principaux étaient M. d’Aguiar, M. Fontes Pereira de Mello, et qui par ses réformes administratives et financières, réformes d’ailleurs votées par les chambres, avait provoqué dans le pays une agitation allant jusqu’à l’émeute. Le ministère d’Avila se trouvait être par la force des choses aussi bien que par les tendances des hommes un cabinet de transaction, un peu plus conservateur que libéral. Sa première pensée était de s’assurer un appui plus efficace dans une chambre renouvelée par l’élection et de suspendre les mesures qui avaient causé l’émotion du pays. Jusque-là rien de mieux. Seulement la majorité que M. d’Avila obtenait dans les élections ne laissait pas d’être problématique, en ce sens que, si elle soutenait le gouvernement à un point de vue général, elle était en particulier peu enthousiaste pour le cabinet, et c’est de là qu’est venu le danger. A mesure que la session s’est prolongée, le chef du parti libéral dans la chambre des pairs, le duc de Loulé, a pris un« attitude d’opposition ; dans la chambre des députés elle-même, la situation