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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 août 1868.

Y a-t-il donc depuis quelques jours dans cette atmosphère surchargée qui porte au repos des courans invisibles qui réveillent toutes les impatiences de l’action ? Y a-t-il une électricité secrète qui secoue cette société française subitement redevenue impressionnable et nerveuse après des langueurs prolongées ? Le fait est que des frémissemens passent dans l’air, et que l’opinion semble subir l’influence d’une de ces excitations indéfinissables qui sont comme un pressentiment de l’inconnu. On dirait que les émotions du drame parlementaire n’ont cessé que pour faire place à d’autres émotions plus vives, plus profondes, plus mystérieuses, et à tout prendre c’est là peut-être le caractère le plus inquiétant de cette phase que nous traversons. Il y a du mystère dans cette agitation qui s’alimente de tout, qu’on irrite quelquefois en prétendant la calmer, qui est entretenue sans doute par le sentiment de grandes difficultés extérieures, mais qui se rapporte surtout pour le moment à nos affaires intérieures. Un jour c’est une élection contrariée par la prépotence administrative ; un autre jour ce sont les polémiques bruyantes de la petite presse et les poursuites contre les journaux. Il n’est pas jusqu’à des affaires d’enfant en pleine Sorbonne qui ne se transforment presque en événemens par les commentaires dont elles deviennent l’objet, par les malignités qui s’en mêlent. Tout sert de prétexte à ces susceptibilités aiguës de l’opinion, qui semble s’essayer à une vie nouvelle en se tourmentant elle-même, et qui visiblement devient de jour en jour moins facile à manier dans cette carrière de liberté relative, à demi contestée, qu’on lui a ouverte.

Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée, à ce qu’on dit ; mais c’est justement la clé qui manque pour l’ouvrir ou pour la fermer : c’est là précisément le secret de cette situation, à la fois ambiguë et agitée, où gouvernement et opinion en viennent à s’observer avec une certaine inquiétude. Au fond, on ne peut plus s’y méprendre, nous sommes entrés,