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de la presse, qu’il aurait à répondre des abus dans les cas prévus par la loi. Les clubs avaient fonctionné pendant deux années avec une liberté absolue. Lorsqu’en présence de scènes ignobles et de rixes sanglantes on avait songé à leur imposer quelques mesures d’ordre, ils avaient revendiqué l’inviolabilité. En revenant sur la libre communication des pensées, il était donc nécessaire d’expliquer que le droit de réunion n’était pas plus indéfini que la liberté de la presse elle-même. Il fut entendu et expliqué qu’il devait s’exercer « sans armes » et en donnant satisfaction « aux lois de police. » Imaginer que le comité de révision, cédant au débordement, décrétait après coup le droit de réunion, oublié dans la déclaration de 1789, c’est manifestement prendre le contre-pied des faits. Loin de donner des gages au désordre, ce comité préparait au contraire la loi du 30 septembre 1791, qui vint réglementer les clubs. Aussi un ancien membre du comité de révision, Barnave, tout en faisant la part des inconvéniens à cet égard, disait-il en 1792 : « Le droit de s’assembler paisiblement et sans armes, le droit de pétition, le droit de manifester ses pensées, à la charge d’une responsabilité fixée par la loi, sont de l’essence de la liberté, et nul gouvernement, s’il n’est oppressif, ne peut se dispenser de les admettre. » Eh cela, il ne faisait qu’exprimer l’opinion de l’assemblée elle-même.

La déclaration séparait profondément le présent du passé et traçait les droits de la société nouvelle ; mais comment en assurer l’application et la permanence ? Ce problème préoccupa vivement l’assemblée. Quelle garantie la constitution laissait-elle aux citoyens contre la violation des droits ? avait demandé Buzot. Il ne suffit pas de dire que la constitution garantit les droits civils et naturels, il faut que l’on sache comment elle les garantit. Si les législatures à venir profitaient de quelques circonstances malheureuses pour porter atteinte à ces droits, elles ne manqueraient pas de prétextes. La première garantie offerte aux citoyens se trouve dans la constitution elle-même, répondit Thouret, c’est-à-dire dans l’organisation du gouvernement ; la seconde est dans la liberté de la presse. Selon Pétion, l’objection n’était pas encore résolue. Si le pivot de l’édifice reposait sur la liberté de la presse, n’était-il pas à craindre que les législatures ne vinssent elles-mêmes à restreindre cette liberté ? Alors que deviendraient la liberté individuelle et toutes les autres libertés ? — À cela, les comités ne virent qu’un remède : c’était de signaler à l’avance les seuls abus de la presse qui pourraient être réprimés et de confier à des jurés la connaissance des délits ; mais ces délits, comment les déterminer avec précision ? Il semblait que pour l’assemblée la cause des libertés proclamées par la déclaration fût là tout entière. Sur ce point, l’on entendit