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complexes qu’elles soient, c’est la création seule de cette machine. Tout dérive de l’idée qui seule dirige et crée. » Il n’est même pas sûr que le matérialisme réussisse à expliquer les propriétés des atomes chimiques, dont la science essaie de ramener la constitution aux lois de la. mécanique, car, quand il serait vrai que l’atome chimique se forme mécaniquement, il resterait encore à expliquer comment il tend à telle combinaison plutôt qu’à telle autre. Enfin la force physique par excellence, la gravitation universelle, au lieu d’être une simple résultante de forces mécaniques pures, pourrait bien être au contraire, comme le fait remarquer Hegel, la vraie force naturelle, la seule réalité, dont les forces dites mécaniques ne seraient que des abstractions, en sorte que le principe véritable du mouvement universel serait, non la force qui subit l’action, mais la force spontanée, qui tend naturellement à l’action, ainsi que l’enseigne Leibniz. On voit que le matérialisme est arrêté à chaque pas par l’expérience et la réalité elles-mêmes dans sa tentative de tout ramener à la cause matérielle des choses. Là où il ne veut voir que résultante pure, unité de composition élémentaire, il y a unité d’initiative, de direction, de création. Tout ce qui est individu, si simple que soit cette-individualité, échappe à l’explication matérialiste.

D’où vient ceci ? Il y a donc entre les ordres de phénomènes et d’êtres dont se compose la vie universelle des hiatus que le matérialisme ne peut combler, des barrières qu’il ne peut franchir. Qui franchira ces barrières et comblera ces hiatus ? C’est une tout autre méthode, qui prend son point de départ, non plus dans la nature, mais dans la conscience. Celle-ci, en nous révélant la vraie cause, non plus la simple condition élémentaire, des phénomènes de la vie psychologique, nous enseigne la véritable explication non-seulement des choses internes, mais des choses externes et naturelles, comme l’avaient déjà compris Aristote et le père de la philosophie socratique lui-même. La vraie cause de tout mouvement, de toute vie, est la cause finale. Le vrai type de l’être est l’individu, et le vrai type de l’individu est la personnalité, l’être pensant et libre, l’esprit en langage métaphysique. La méthode des sciences positives, l’expérience externe elle-même, n’atteint, ne saisit que des forces abstraites dans ce qu’on est convenu d’appeler la substance matérielle, puisque cette substance ne se manifeste jamais que par des mouvemens et des actions. La méthode psychologique peut seule déterminer ce qui fait l’être propre, l’essence même de ces forces. La force réelle, c’est la force qui tend, la tendance, l’effort, comme disent Leibniz et Biran, Or toute tendance suppose une fin, vraie cause de tous les mouvemens de l’être ou de la force qui tend. Quelle peut être cette cause finale, sinon le meilleur, le