Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 75.djvu/970

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sur l’encyclopédie universelle des sciences positives. L’idéalisme proprement dit, c’est-à-dire la doctrine des idées, telle que l’engendre la pure dialectique avec ses procédés logiques d’abstraction et de généralisation, s’est fait dans l’histoire de la pensée humaine une place qui n’est point en disproportion avec ses grands et nombreux mérites. D’abord il apparaît, dans le duel de Platon avec les sophistes, comme l’éclatante réfutation d’une doctrine qui rendait toute science impossible en réduisant la connaissance à la sensation. Platon montra que l’idée est tout à la fois la condition de la science et le point fixe d’une réalité soumise à la loi d’un perpétuel devenir. Ce fût là son mérite scientifique, le premier et le plus important, au moment où la doctrine se produisit ; puis, appliquant son principe à l’ordre esthétique et à l’ordre pratique en même temps qu’à l’ordre scientifique, Platon créa cette grande et immortelle doctrine de l’idéal, sans laquelle il n’y a ni haute et sévère critique dans les arts, ni haute et pure morale dans la vie. Voilà, pour ne parler que de ceux-là, les titres éternels de la philosophie idéaliste à l’estime et à l’admiration des historiens. Peut-être qu’Aristote et les philosophes de son école, comme M. Ravaisson, ne sont pas tout à fait justes dans leur critique de la dialectique platonicienne. Il n’en est pas moins vrai que, si l’idéalisme a ouvert les voies à la science en lui fixant son objet, c’est-à-dire la loi et l’idée des choses, il a laissé à une autre philosophie, à une autre méthode, là tâche de créer la science de là réalité, la seule science véritable. Aristote l’a dit, et nous ne croyons pas que sa critique de la philosophie platonicienne puisse être contestée en cela, la dialectique ne pénètre point dans la réalité ; elle ne fait que se tenir à la surface des choses, discourant sur tout et n’enseignant rien à fond, parce qu’elle n’est pas en mesure d’arriver sur quoi que ce soit à une vraie définition. La réalité n’est pour elle qu’un point de départ, l’expérience n’est qu’une occasion pour prendre son essor vers un monde où elle croit atteindre l’essence même des choses, et où elle n’en retrouve que les formes abstraites et vides. Pour connaître cette essence, qui est l’objet propre de toute science, il faut s’établir, s’enfoncer dans la réalité avec le flambeau de l’expérience pour guide. C’est ainsi qu’on parvient à définir, à généraliser, à classer véritablement, en un mot, à faire l’œuvre de la science, ce que nul idéalisme n’a fait ni ne fera jamais.

Si l’expérience est la source unique de la connaissance, il s’ensuit que ni la philosophie ni même ce qu’on appelle la métaphysique ne peuvent chercher ailleurs la matière de leurs conceptions ; mais il y a une double expérience, celle du sens externe et celle du sens intime. De même que de ces deux sources de l’expérience sortent deux ordres de sciences distinctes, de même il en