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son effet certain sera l’envoi des prêtres en France, la suppression des bénéfices et la vente, des biens au moyen des rescriptions, qui seront employées au paiement de la dette publique… Un mois est de peu d’importance pour de si graves opérations, mais il faut s’arranger de manière qu’au mois de septembre tout ce qui concerne le clergé soit terminé dans les états romains, que les mauvais prêtres soient envoyés en France, et le sort des autres amélioré. On n’aurait pas tenté ces changemens il y a neuf mois ; il faut profiter du moment où l’on a la paix partout, et où rien ne peut embarrasser pour finir toutes ces affaires[1]. »


Après cette note dictée par l’empereur pour servir de programme à son ministre des cultes, il devient facile de voir clair dans ses projets. Cependant, comme s’il craignait de ne s’être pas encore suffisamment expliqué, et redoutant sans doute que sa pensée secrète n’ait pas été complètement saisie par M. Bigot de Préameneu dans ce qu’elle avait d’enveloppé et de captieux, il la lui expose derechef avec une précision de détails qui cette fois lève tous les voiles :


« On pourrait conserver, dit la nouvelle note, les évêchés de Pérouse, de Spolette, de Tivoli, d’Anagni dont les évêques ont prêté le serment, et celui de Rome, dont le pape est l’évêque. On réunirait tous les autres évêchés à ceux-ci. On déclarerait que tous les évêques qui ont prêté le serment conserveront leurs évêchés jusqu’à leur décès… Mais il paraîtrait préférable de suivre quant à présent une autre marche… On dirait qu’on ne peut conserver trente-deux évêchés pour une population de 800,000 âmes, tandis qu’en France il n’y a souvent qu’un évêque pour 1 million….. Ainsi on passerait de trente-deux évêchés à treize, pour arriver avec le temps aux cinq évêchés qu’on se propose de constituer définitivement. Cette mesure aurait l’avantage de laisser l’espérance aux villes dont les évêques ont prêté serment, et de donner raison à ceux qui se sont portés à cet acte d’obéissance….. Quant aux chapitres, les membres qui auraient prêté le serment seraient réunis aux chapitres conservés, et les chapitres dont tous les membres auraient refusé le serment seraient supprimés. On n’aurait pas l’air de se déterminer, soit par caprice, soit même par un système d’organisation, mais de prendre un parti nécessité par la rébellion de quelques évêques. Les prêtres savent fort bien que, dans tous les pays qui passent sous une nouvelle domination, on ne recule jamais à prêter serment à l’autorité. La rébellion des dix-neuf évêques serait un nouveau grief de l’église contre le pape. Ce système conduirait, par l’application des mêmes principes, à confisquer non-seulement en Toscane et en Piémont, mais encore en Italie, les biens des évêchés pour lesquels le pape ne voudrait

  1. Note pour le ministre des cultes, Saint-CIoud, 13 juin 1810. — Correspondance de Napoléon Ier, t. XX, p. 408.