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une profanation des choses sacrées[1]. » Cette décision, raisonnable en elle-même, n’avait trop rien qui excédât les droits du pouvoir civil. En tout cas, elle ne faisait de tort qu’à ses propres finances. Il n’en était peut-être pas tout à fait ainsi d’une autre résolution prise par l’empereur le 18 janvier 1810. Il lui répugnait beaucoup de voir célébrer en Italie la fête de Grégoire VII et de laisser figurer de l’autre côté des monts au calendrier des saints un pontife qu’à Paris, dans ses harangues officielles, il ne cessait d’anathématiser à tout propos. Cette contradiction ne devait plus subsister. « Le ministre des cultes a-t-il fait une circulaire aux évêques, écrit-il le 15 janvier, pour leur ordonner, de supprimer la prière de Grégoire VII et de substituer une autre fête à celle de ce saint que l’église gallicane ne peut reconnaître[2]. » Supprimer par décret des prières, abolir par simple circulaire la fête des saints qui lui déplaisaient, c’était là, s’il en fut, besogne de pontife. Cependant il y avait tant de fêtes religieuses à Rome et si grande abondance de saints de l’autre côté des Alpes, que les Italiens ne songèrent pas à se plaindre beaucoup de ce qu’on ne leur permettait plus de se placer sous la protection particulière de Grégoire VII. Il ne paraît pas non plus que les ecclésiastiques romains, si respectée et si populaire que fût restée parmi eux sa mémoire, aient trouvé trop mauvais qu’on leur interdît de célébrer désormais en chaire les mérites d’un pape dont les exemples étaient dans les circonstances présentes devenus tellement hors de saison. Une certaine émotion accueillit au contraire à Rome et dans toute l’Italie le décret du 25 février 1810, qui établissait comme loi générale de l’empire l’édit de Louis XIV et la déclaration de 1682 du clergé français[3]. Jamais, on le sait, les quatre propositions auxquelles est attaché le nom de Bossuet n’avaient été admises par le saint-siège. S’il ne les avait pas dogmatiquement condamnées, il les avait toujours combattues de toutes ses forces. La controverse engagée à ce sujet depuis plus d’un siècle avait partagé en deux camps presque hostiles l’église romaine et l’église gallicane. De l’un et de l’autre côté, l’animation avait été extrême, et comme c’est le propre de tous les débats, particulièrement des discussions religieuses, non-seulement de confirmer chacun dans son opinion, mais de grossir démesurément l’importance des points en litige, peu s’en fallait qu’aux yeux des exagérés de l’école ultramontaine la déclaration de 1682 ne passât pour suspecte d’hérésie. Pour les évêques et les

  1. Lettre de l’empereur au comte Bigot de Préameneu, Schœnbrunn, 13 août 1809. — Correspondance de Napoléon Ier, t. XIX, p. 338.
  2. Note dictée par l’empereur au conseil des ministres le 18 janvier 1810. — Cette note n’est pas insérée dans la Correspondance de Napoléon Ier.
  3. Moniteur de l’Empire, 1er mars 1810.