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plutôt du pouvoir spirituel que de la puissance temporelle. Malgré ses récentes prétentions, le maniement n’en était pas encore aussi familier à l’empereur que l’avait été de tout temps l’emploi des formidables engins de guerre dont il s’était jusqu’alors servi pour accabler ses adversaires. Dans cette lutte d’un genre nouveau, il ne devait plus atteindre son ennemi qu’en se blessant lui-même. Les blessures reçues de l’autre côté des Alpes ne furent pas encore bien dangereuses pour Napoléon ; mais, engagée à propos des mêmes questions, poursuivie par les mêmes procédés, aboutissant aux mêmes résultats, sa querelle religieuse avec le clergé romain est, pour ainsi dire, le prélude de celle qu’il a plus tard portée devant le concile national de 1811. C’est pourquoi, avant de parler avec détail des affaires intérieures de l’église de France, il convient que nous rendions compte de ce qui s’est d’abord passé en Italie.


III

Ce ne fut point de propos délibéré, par suite d’un système préconçu que l’empereur s’empara du gouvernement des affaires religieuses dans les anciens états pontificaux. Il y fut graduellement conduit par son goût naturel de domination aussi bien que par les nécessités de la situation qu’il avait créée de ses mains sur les bords du Tibre. Le pape une fois enlevé de Rome, les autorités françaises, succédant à un régime où les dépositaires un peu élevés de la puissance temporelle étaient tous ecclésiastiques, avaient été obligées de se prononcer souverainement presque chaque jour sur une foule de matières d’un caractère mixte, quand elles n’étaient pas, comme il n’arrivait que trop souvent, exclusivement spirituelles. Dans les cas embarrassans, le général Miollis, s’il n’avait pas reçu d’avance les ordres directs de son maître, ne manquait pas de les solliciter par écrit. Napoléon se trouvait donc hériter ainsi forcément des récens embarras du malheureux Pie VII. Sur lui retombaient maintenant les ennuis et les charges qui à Rome résultaient de la confusion traditionnelle des deux pouvoirs. Les premières mesures émanées de l’initiative impériale, quoique inspirées par une façon toute moderne et plutôt philosophique d’envisager les choses de la religion, n’avaient pas d’ailleurs en elles-mêmes une grande gravité. L’empereur, à peine en possession des états romains, avait été frappé de ce qu’il y aurait d’étrange à ce que le gouvernement dont il était le chef continuât à recevoir comme par le passé certaines redevances qui, sous le régime antérieur, venaient tout naturellement grossir le trésor pontifical. « A quelque prix que ce soit, je ne veux pas, écrivait-il le 13 août 1809 à M. Bigot de Préameneu, qu’on paie rien à Rome pour expéditions de bulles, dispenses, etc.. C’est