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dignitaires de l’église romaine avaient, sans de trop vives répugnances, accepté de toucher sur les fonds du trésor impérial un traitement égal à celui de leurs collègues, les cardinaux d’origine française. Nous avons même dû noter en passant la surprise involontaire qu’avait éprouvée l’ancien secrétaire d’état et l’ami intime de Pie VII en voyant ces conseillers naturels du souverain pontife se mêler un peu trop volontiers, suivant lui, aux fêtes de la cour impériale, et mener, au milieu de la brillante société parisienne, une vie qui ne laissait pas de contraster assez étrangement avec celle qui était alors imposée au prisonnier de Savone.

Peut-être la complaisance toute méridionale qui les avait portés à s’accommoder si vite et si aisément des conditions extérieures de leur nouvelle existence avait-elle contribué à tromper Napoléon sur la véritable nature de leurs secrètes dispositions. Quoi qu’il en soit, il ne se donna guère la peine de faire entre eux aucune différence. Les ayant tous vus réunis autour de son trône également craintifs et unanimement respectueux, l’idée ne lui était même pas venue qu’il y en eût dans le nombre d’assez osés pour s’opposer jamais par motifs de conscience à ses volontés clairement manifestées. Le refus signifié par écrit de tenter aucune démarche collective auprès de leur chef captif l’avait jeté dans une première et violente surprise. Son indignation, ses emportemens et ses rigueurs n’avaient plus connu de bornes alors que, par des scrupules du même genre, la moitié des cardinaux italiens présens à Paris (treize contre quatorze) avaient refusé d’assister à la cérémonie religieuse de son mariage avec l’impératrice Marie-Louise. Pareille déception, moins publique, il est vrai, beaucoup moins retentissante, mais non moins significative, l’attendait à Rome, et cette fois encore motivée par son mépris affiché, parlons plus exactement, par son ignorance incurable des mobiles de la conscience religieuse.

L’empereur, désireux de mettre sous son influence cette portion du clergé italien qu’il avait dû nécessairement laisser dans les anciens états pontificaux, et non moins soucieux de se rendre maître de l’esprit des prélats romains que de celui des cardinaux, avait pris ses dispositions en conséquence. Le général Mollis était muni à Rome des mêmes instructions que M. le comte Bigot de Préameneu à Paris, et, comme lui, il avait à sa disposition un assez large crédit destiné à subvenir aux besoins des anciens fonctionnaires ecclésiastiques du gouvernement pontifical qui auraient recours à sa munificence. Si la tâche était la même de l’un et de l’autre côté des Alpes, le résultat en fut tout différent. C’était grâce à son adresse, à ses infinis ménagemens, par suite surtout de la sincère bienveillance qu’il ressentait pour eux, que le ministre des cultes était parvenu à faire accepter aux cardinaux romains un traitement qu’il avait