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contre le pouvoir des gouvernans ecclésiastiques, ni essayé d’établir la ligne de démarcation, un peu indécise peut-être, qui, dans nos temps modernes, a presque partout suffi à éviter les trop insupportables inconvéniens d’une si dangereuse confusion. Nous avons eu plus d’une occasion de signaler les embarras que son double caractère de souverain et de pontife avait apportés au malheureux Pie VII pendant sa longue querelle avec Napoléon. Depuis qu’il avait pris possession des états du pape, depuis qu’il détenait celui-ci prisonnier dans une petite bourgade de son empire, depuis qu’il aspirait ouvertement à s’emparer de la direction religieuse de ses sujets catholiques et, si cela devenait un jour possible, de la suprématie sur les catholiques du monde entier, c’était le tour de l’empereur d’hériter des difficultés inhérentes à ce monstrueux mélange de choses aussi contradictoires. Ces difficultés, il les avait trop volontairement prises à son compte pour qu’on puisse jamais le plaindre du tort qu’elles lui ont causé. Peut-être faudrait-il au contraire reconnaître une sorte de justice rétributive, telle qu’en présente souvent l’histoire, dans ce fait que les premiers embarras vraiment sérieux suscités à l’empereur par le gouvernement des affaires religieuses qu’il avait si imprudemment assumé, lui vinrent d’abord des anciens états du saint-père.

Ne craignons pas en effet de le répéter, la résistance opposée aux volontés de Napoléon fut, de la part de ceux qui s’y risquèrent à Rome, une affaire de conscience ecclésiastique et pas autre chose. De politique, il n’y en avait pas trace chez eux. Politiquement on était plutôt satisfait dans presque toutes les classes de la société romaine. S’ils souffraient dans leur patriotisme de la présence des soldats étrangers, les patriciens romains étaient bien loin d’être insensibles à l’honneur d’entrer au sénat français, d’occuper dans la maison impériale de beaux emplois de cour. Les plus actifs d’entre eux et les hommes distingués du tiers-état ressentaient une sorte de satisfaction légitimé à se voir pour la première fois appelés à suivre la carrière des grandes fonctions publiques, jusqu’alors exclusivement réservées aux seuls membres de l’église romaine. De la part de l’immense majorité de la population civile, aucune comparaison fâcheuse avec le passé n’était à redouter, et de fait il ne s’éleva guère de plaintes de ce côté, sinon peut-être chez quelques sauvages habitans des montagnes qui entourent la campagne romaine et parmi les vagabonds de la cité éternelle, qui avaient les uns et les autres grand’peine à prendre leur parti du lourd fardeau de la conscription militaire. Ces griefs, plutôt ressentis qu’exprimés, et qui d’ailleurs n’eurent jamais le caractère d’une résistance ouverte, n’étaient pas de nature à faire obstacle à la consolidation du nouveau régime qui était en train de s’établir à Rome.