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l’avoine, de la betterave, des carottes, des glands, des marrons et surtout de la chicorée. Pour éviter d’être victimes de ces altérations, bien des personnes achètent leur café en grains verts et le font brûler elles-mêmes. La précaution n’est point mauvaise, mais il ne faut pas oublier que certains épiciers fabriquent des grains de café avec de l’argile plastique qu’on façonne dans la forme voulue à l’aide d’un moule. Cela peut sembler inconcevable au premier coup d’œil, mais il y a des jugemens qui sont de nature à convaincre les plus incrédules. Que dire de ce charcutier qui truffait des pieds de cochon à l’aide de morceaux de mérinos noir, et qui, traduit en police correctionnelle, fut acquitté parce qu’il parvint à prouver que cette étrange denrée n’avait été mise en montre que pour servir d’enseigne ? Il est une substance qui me paraît être plus que toute autre soumise à d’innombrables sophistications, c’est l’huile d’olive. Il est facile de s’assurer du fait en ayant recours aux documens officiels. Les chiffres portent avec eux des renseignemens instructifs. Or les relevés de l’administration de l’octroi prouvent qu’en 1867 il est entré à Paris 9,801 hectolitres d’huile d’olive. La population fixe de Paris étant connue, on peut conclure avec certitude que chaque habitant a été réduit à la portion congrue d’un peu plus d’un demi-litre par an, ce qui est inadmissible. L’huile d’olive nous arrive de Provence, d’Algérie, de Tunis, de Toscane, de Gênes et de Naples. Ce qui en parvient à Paris est insignifiant, ainsi qu’on a pu le reconnaître ; par quel liquide les marchands la remplacent-ils donc ? Par des huiles d’œillette, de navette, de colza, de sésame, d’arachide, de noix, de faîne, par de la graisse de volaille mêlée à du miel, par vingt autres substances dans la composition desquelles il n’entrepas un atome d’olive. En cela, comme en tant d’autres choses, l’important, c’est l’étiquette ; le public s’y laisse prendre, et par paresse autant que par insouciance ne se plaint pas, quoiqu’il ait été bien souvent averti.

Toutes ces manœuvres que la plus active surveillance ne peut parvenir à déjouer retombent sous le coup de la loi du 27 mars 1851 et de l’article 423 du code pénal ; mais, il faut bien le dire, la loi est indulgente, et pour elle la sophistication n’est pas assimilée au vol. C’est cependant l’abus de confiance dans ce qu’il a de plus prémédité et de plus préjudiciable. On atteint, il est vrai, les marchands prévaricateurs en affichant sur leur boutique même le dispositif du jugement qui les condamne ; mais la pancarte infamante est vite arrachée, et ne porte guère atteinte à la considération de gens qui ont rejeté toute pudeur. — Les Turcs, qui parfois ont du bon, procèdent dans des cas analogues d’une façon arbitraire et brutale qu’on n’oserait donner en exemple à un peuple civilisé, mais qui cependant produit d’excellens résultats, Quand un