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lagopèdes, des ptarmigans, qui arrivent directement des bords du Dnieper et de la Neva, entourés de grains d’avoine. Jusqu’à présent, la population parisienne semble ne se familiariser que difficilement avec ce genre d’alimentation, qui est cependant agréable et nutritif. Les coqs de bruyère surtout, quoique ce soit un gibier rare et recherché, n’ont pas encore atteint le prix qu’ils valent à Moscou et à Wilna ; tandis que les poulardes de la Bresse et du Maine sont enlevées au feu des enchères, c’est à peine si le grand coq de bois, ce rêve de tout chasseur, offre quelque tentation aux marchands de comestibles.

Rien ne sent plus mauvais que la volaille rassemblée ; aussi, lorsqu’aux pigeons et aux poules on joint les lapins de clapier, il en résulte d’intolérables émanations. Pour neutraliser l’odeur de toutes ces bêtes malflairantes, comme eût dit Montaigne, on a élevé au milieu de la salle de vente un fort ventilateur qui renouvelle l’air empesté et va vivifier les resserres souterraines. Rien de semblable n’est nécessaire dans le pavillon n° 8, qui est consacré aux légumes. Selon les saisons, les fruits et les légumes varient à la criée ; pendant l’hiver, la vente publique semble réservée pour les caisses d’oranges envoyées par l’Algérie, l’Espagne, le Portugal, pour quelques paniers de primeurs venus de l’étranger. L’appréciation de ces denrées est fort difficile, et l’on ne peut vraiment pas dire quelles espèces particulières ont été livrées au public ; mais on sait que 228,846 colis contenant des fruits et que 96,084 colis renfermant des légumes ont été mis en vente pendant 1867 et ont produit la somme de 3,321,132 francs 30 centimes. Les fruits et les fleurs sont installés au pavillon n° 7 ; c’est une oasis. Rien de plus charmant que ces longues tables qui disparaissent sous des gerbes, sous des monceaux de ravenelles, de narcisses, de roses, de lis, de seringas, de giroflées ; l’air est embaumé, de subtils parfums planent autour des marchandes et pâlissent leur teint. En hiver, des fleurs de camélia en boîtes, des violettes d’Italie, sont apportées par les chemins de fer ; mais c’est en mai et en juin qu’il faut aller visiter cet amoncellement de plantes épanouies ; les inspecteurs du marché en sont fiers et disent volontiers : notre allée de fleurs ! C’est là que s’approvisionnent la plupart des bouquetières de Paris, et c’est là aussi que les pauvres gens, lorsqu’ils vont au cimetière visiter leurs morts, viennent acheter des couronnes d’immortelles et des médaillons emblématiques représentant un saule pleureur effeuillé au-dessus d’une croix noire.

Dans ce dernier- pavillon, il n’y a aucune espèce de transaction en gros ; tout se vend au détail, à prix débattu. Il en est de même pour le pavillon n° 12, qui contient des fruitiers, des boulangers