Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 75.djvu/906

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Vallée, dont c’étaient les jours de vente. Là, le bruit atteint parfois des proportions diaboliques, car aux cris des marchands, aux appels des crieurs, viennent se joindre le bêlement des agneaux, le gloussement des poules, le roucoulement des pigeons, le nasillement des canards ; toutes ces voix humaines et animales forment un insupportable charivari. Quelques hommes exercent là une industrie toute spéciale contre laquelle Mercier protestait déjà de son temps ; je parle des gaveurs. Les pigeons sont expédiés vivans, dans des paniers légers et fermés ; au fur et à mesure qu’ils parviennent sur le marché, ils sont déballés et passés à un homme qui, s’emplissant la bouche d’eau tiède et de grains de vesce, pousse cette nourriture forcée dans le bec de « la volatile malheureuse. » Le gavage se fait avec une rapidité extraordinaire, et ne doit pas produire des bénéfices considérables, car cette opération est payée à raison de 30 centimes par douzaine de pigeons, encore faut-il fournir les graines. Pendant l’année 1867, il a été vendu 14,651,203 pièces de volaille et de gibier sur ce marché, qui est bien moins alimenté qu’il ne pourrait l’être, car beaucoup de particuliers et de marchands de comestibles se font expédier directement les animaux dont ils ont besoin, quitte à payer à l’octroi des droits plus élevés. Les apports de gibier pendant la période de chasse de 1867 à 1868 ont atteint le chiffre de 3,114,295 pièces, dont le détail est de nature à intéresser les chasseurs. Ce qui domine, c’est l’alouette, car on en a compté 1,110,756 ; mais l’affluence en varie singulièrement selon les époques : en janvier, 513,609 ont paru sur le marché, septembre n’en a fourni que 435. Il en est de même à peu près de tous les gibiers, 26,314 cailles en septembre, 3 en janvier ; sur 30,280 bécasses, 50 arrivent dans le mois de l’ouverture de la chasse, et 14,108 en décembre ; 13,373 daims, cerfs et chevreuils se répartissent en proportions à peu près égales en novembre, décembre et janvier ; sur 37,406 faisans, novembre et décembre seuls en donnent 21,053 ; les perdrix, dont le total est de 541,024, débutent brillamment par 185,028, et en janvier tombent à 65,000. Les lièvres, qui ont été au nombre de 270,144, varient dans les deux premiers mois de chasse entre 25 et 40,000 ; mais dès que novembre arrive, que les grandes battues d’Allemagne sont commencées, l’accroissement se fait sentir, et la Vallée en reçoit 79,783. Depuis quelques mois, on a autorisé l’entrée en France du gibier qui ne vit pas sous notre latitude, et dont la destruction ne peut par conséquent nous causer aucun préjudice. Deux ou trois fois par semaine, des paniers tressés en lanières de sapin qui servent en Russie de berceaux pour les enfans nous apportent des coqs de bruyère, des gelinottes, des