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confesseur un religieux de saint François, frère Durand, a souvent entretenu le roi de la misérable condition des gens d’Albi ; elle s’est ainsi déclarée contre les ministres de l’inquisition, qui, le sachant, travaillent à se concilier cette puissante ennemie. Informés de leur intrigue, les gens d’Albi font parvenir à la reine avant la fin de septembre une supplique où nous lisons : « Lorsque notre seigneur le roi très clément, ému dans le fond de son cœur d’une pieuse sollicitude pour ses sujets, envoya dans ce pays, avec le titre de réformateurs, les vénérables seigneurs Jean, vidame d’Amiens, sieur de Picquigny, et Richard Leneveu, archidiacre d’Auge dans l’église de Lisieux, personnages d’une conscience pure et sereine, recommandés par la parfaite convenance de leur vie, de leurs mœurs, doués de prévoyance et de prudence, pratiquant la vertu, pratiquant la justice, et en conséquence aimés de tout le pays, auquel ils ont rendu d’inappréciables services, notre seigneur le roi voulut enfin mettre un terme à nos agitations, à nos longues afflictions, et nous accorder le soulagement de sa protection paternelle ; mais aujourd’hui que certaines gens machinent, nous dit-on, d’odieux complots contre ces honorables personnes, essayant de les diffamer par leurs propos et remplissant de fausses allégations les oreilles du roi, nous ne savons quel secours implorer, si ce n’est celui de votre miséricorde habituelle. Nous vous invoquons donc tous ensemble, et les hommes et les femmes, et les jeunes gens et les jeunes filles, et les vieillards et les enfans, nous vous invoquons, vous l’ancre et le plus valide rempart de notre espérance, et nous vous demandons d’intercéder auprès du roi pour que sa bonté nous conserve ces respectables protecteurs… » L’auteur de cette véhémente missive, c’est Bernard. Les témoins qui l’ont déclaré nous paraissent en cela dignes de confiance. Bernard devait écrire, comme il parlait, de ce ton passionné.

III.

Bernard partit bientôt pour Paris, accompagnant le vidame et une nombreuse population d’hommes et de femmes de Carcassonne, d’Albi, de Cordes, que le vidame conduisait devant le roi. Dans cette foule, nous retrouvons Guillaume Fransa, Pierre de Castanet, Arnauld Garcia, Élie Patrice et Pierre Probi, de Castres. Ce sont les lieutenans ordinaires de Bernard. Il ne va pas sans eux, ils ne vont pas sans lui ; mais il commande et ils obéissent. Cependant à ces noms déjà cités nos pièces en ajoutent deux nouveaux, ceux de Jean Hector et de Bertrand de Villardel, frères mineurs. Ainsi Bernard n’a plus seulement dans son ordre des complices secrets ; en voilà deux qui se déclarent. Ils étaient rendus à Paris vers le milieu