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bourgeois et manans de Carcassonne et d’Albi. Ainsi deux procès seront à la fois intentés à l’inquisition devant la cour de Rome, l’un sur l’appel du vidame, l’autre sur la plainte des citoyens persécutés. Or, pour plaider en cour de Rome, il faut avant tout de l’argent. Il en faut pour solder les dépenses de la procédure, il en faut encore pour se concilier un des sourires de la justice. C’est une expérience faite, la cour de Rome ne donne pas gain de cause à un plaideur avant de l’avoir ruiné. Les généreux habitans de Carcassonne et d’Albi ne voudront pas laisser à la charge du vidame, excommunié pour eux, à cause d’eux, les frais considérables de son appel. Il faut donc beaucoup d’argent, et Bernard propose en conséquence la levée d’un subside qui sera réparti, selon la forme des contributions volontaires, entre les villes dont le vidame a le plus mérité la reconnaissance.

Assurément aucune ville du Languedoc ne lui doit autant que celle d’Albi. C’est l’opinion de Guillaume de Pesencs, viguier du roi, et de Gahlard Étienne, juge royal. Cette opinion n’est pas, suivant les inquisiteurs, entièrement désintéressée, car ils sont l’un et l’autre de famille hérétique. Quoi qu’il en soit, Guillaume de Pesencs et Gahlard Étienne sont les premiers magistrats de la ville ; ils parlent, ils agissent en son nom ; ils viennent donc en son nom, accompagnés de plusieurs notaires et d’autres officiers du roi, trouver Bernard au couvent d’Albi, et s’engagent à fournir la somme qui leur sera demandée. On s’entendra sur le chiffre total du subside dans une réunion de délégués qui aura lieu prochainement à Carcassonne. Ayant reçu leur promesse, Bernard les quitte et va tenir ailleurs les mêmes discours. Partout on le comprend, partout on s’empresse de lui dire qu’on fournira l’argent nécessaire. Comme il s’adresse aux premiers citoyens des villes, il n’a pas besoin de beaucoup parler. Des viguiers, des consuls, savent tous combien la justice romaine est dispendieuse. À Carcassonne, au couvent des mineurs, dans la chambre de Bernard, se trouvent réunis au jour marqué Barthélémy Salvi, de Cordes, Grégoire de Maler et Guillaume Fransa, d’Albi, Arnauld Terrien et Raymond Belet, de Carcassonne. Comme on est d’accord sur la nécessité d’une contribution, il ne s’agit que d’en fixer la somme. Elle sera de 3,000 livres tournois, et Carcassonne en donner à 1,500, Albi 1,000, Cordes 500. C’est une forte somme, elle ne sera pas entièrement fournie ; mais, pour le présent, on a tant d’ardeur qu’on ne recule devant aucun engagement.

Il ne suffit pas à l’inquisition d’excommunier le vidame. Tandis qu’il en appelle à Rome de son jugement, elle le dénonce au roi, et, pour que cette dénonciation ne demeure pas sans résultat, elle fait auprès de la reine d’activés démarches. La reine, qui a pour