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vapeur prise sur la chaudière toutes les fois que le navire stoppe, car il faut dans ce cas maintenir la combustion de l’huile pour avoir toujours de la force en réserve, et par conséquent maintenir le tirage de l’air pour empêcher les flammes de retourner en arrière. Un incident d’où sortit un enseignement précieux se produisit lors des premiers essais. Le souffleur n’existait pas, et pendant un arrêt les flammes revinrent en arrière ; quelques flammèches d’étoupes prirent feu, s’envolèrent et vinrent tomber dans le réservoir d’huilé. A la surprise de tous, elles s’y éteignirent, montrant ainsi que les huiles lourdes n’offrent aucun danger d’incendié à bord. Les pétroles légers de Pensylvanie auraient très certainement occasionné une conflagration ; mais les huilés lourdes d’Amérique, d’Europe et de Birmanie se seraient comportées comme l’huile du gaz, parce que les unes et les autres n’émettent que peu ou point de vapeurs à la température ordinaire. Un autre résultat important ressort des essais du Puebla, et doit largement concourir à généraliser l’emploi des combustibles liquides sur les bateaux à vapeur de la flotte : Personne n’ignore que la combustion des corps hydrogénés produit de l’eau ; c’est même ce qui donne un certain degré d’humidité à l’atmosphère des salles éclairées par le gaz. Or les huiles minérales renferment beaucoup d’hydrogène. Par des mesures précises, M. Deville s’est assuré que chaque kilogramme d’huile donne en brûlant 1,350 grammes d’eau, soit plus de 10 pour 100 de la quantité de vapeur formée. Or les pertes subies pendant la condensation ne s’élèvent en moyenne qu’à 10 pour 100. Sauf pour la mise en train, il sera donc possible d’alimenter les chaudières avec l’eau fournie par la combustion de l’huile, c’est-à-dire avec une eau pure de tout corps étranger, distillée sans le secours d’aucun appareil accessoire. On se débarrasserait enfin de ces incrustations, si nuisibles à un bon chauffage, que l’eau de mer dépose en se vaporisant, et contre lesquelles on avait essayé jusqu’à ce jour tant d’insuffisans palliatifs.

Les expériences de l’École normale et du Puebla intéressent encore la marine à plusieurs titres : les cales des bateaux à vapeur sont aujourd’hui des étuves, elles pourront être maintenues constamment fraîches ; en outre les cheminées, s’élevant aujourd’hui au-dessus du pont, offrent aux projectiles ennemis une cible naturelle, tandis que par le nouveau système de chauffage à l’air comprimé elles pourront déboucher sous l’eau. Ne serait-il pas permis d’entrevoir dans cette modification le commencement d’une série de changemens plus graves destinés à transformer une fois de plus l’architecture des navires de guerre, a engendrer ce type monstrueux attendu depuis longtemps, — le terrible vaisseau sous-marin, — machine dont le scaphandre est une ébauche rudimentaire, et qui, survivant aux nécessités de l’art de la destruction, est peut-être appelée à rendre de grands services à la civilisation industrielle ? Quoi qu’il en soit, M. Dupuy de Lôme fait étudier en ce moment par un