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quiconque mettra sur la voie des découvertes. On connaît aussi les services que rend la chimie aux recherches de la justice ; mais il est une autre invention qu’on s’attendrait moins à voir intervenir dans l’investigation des délits. Il y a quelques années, des voleurs, serrés de près par des agens et porteurs de montres qu’ils avaient dérobées à un horloger de Londres, eurent l’idée, pendant qu’ils traversaient la Tamise dans un bateau, de détruire les pièces de conviction en les précipitant au fond du fleuve. Le lit bourbeux et sombre de ce grand cours d’eau leur semblait le meilleur tombeau de secrets qu’on pût trouver. « Les rivières sont des receleuses qui ne parlent point, » avait dit l’un des voleurs à ses camarades pour les engager à se défaire de leur dangereux butin. Eh bien ! la Tamise a parlé. Sir Richard Mayne se procura quelques-uns des plongeurs à casque auxquels le lit du fleuve est bien connu, et les chargea de fouiller en sa présence les endroits les plus profonds sur la ligne qui avait été désignée par les agens de police. Toutes les montres furent retrouvées, et l’une d’entre elles, nullement altérée par son séjour dans l’élément liquide, figure aujourd’hui à la vitrine d’un horloger du Strand. Après tout, les méthodes dont se servent nos voisins pour arriver à la détection des crimes ne diffèrent pas beaucoup de celles qui se pratiquent ailleurs, et ce n’est nullement sur cet ordre de faits que je voudrais insister. Si l’on tient à connaître plus complètement le rôle de la police anglaise, il faut se demander avec quels ennemis elle a tous les jours affaire et quel est le caractère des hommes dont elle réprime plus ou moins les mauvais desseins. Bisons donc un mot des voleurs de Londres.

Carlyle désigne quelque part les voleurs anglais sous le nom de régiment du diable, Devil’s régiment, c’est l’armée qu’il faudrait dire. D’après un relevé très exact publié en 1858 par Albany Fonblanque, il y avait alors dans le royaume-uni 160,346 criminels, dont 25,424 en prison et 134,922 à l’air libre. Ils n’ont d’ailleurs fait que croître et se multiplier depuis ce temps-là. Ces malfaiteurs sont personnellement connus des officiers de police. Que demain le secrétaire d’état envoie à sir Richard Mayne et aux chief constables l’ordre d’arrêter toutes les personnes justement soupçonnées qui se trouvent dans les cinquante-deux comtés de l’Angleterre et du pays de Galles, les agens de ces fonctionnaires n’auront aucune peine à mettre la main sur les escrocs, les filous, les crocheteurs de portes et les assassins en herbe. Personne n’ignore en outre que ces gens-là commettent chaque jour des larcins pour vivre. Un habile detective vous dira même le nom des maisons de receleurs situées dans son district et auxquelles se vendent les marchandises