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des officiers et des constables, enfin toutes les dépenses se trouvent détaillées avec un soin minutieux. En temps ordinaire, c’est-à-dire lorsque tout est calme, comme en 1863, la police métropolitaine coûte de 13 à 14 millions de francs par an. Le caractère civil et pacifique de l’institution éclate jusque dans l’énumération des objets de fourniture ; la somme payée pour l’achat des uniformes est assez considérable, celle pour l’achat des armes extrêmement modique. L’attitude du constable anglais n’a rien de très martial ; on ne lui demande point de faire peur, on lui demande de protéger la société contre des ennemis qui ont plus souvent recours à la ruse qu’à la violence. Ses rapports avec les classes très pauvres ont même quelquefois un caractère charitable ; il est chargé, dans certains cas, de soulager aux frais de l’état les vagabonds, les prisonniers malades et les personnes indigentes frappées d’accidens sur la voie publique. Non content de jouer au nom de la société le rôle du bon Samaritain, il rend aussi pour son compte aux ouvriers de petits services dont il s’attend bien à être payé, mais qui entretiennent entre eux des liens de fraternité[1]. En tant que fonctionnaire, il est étranger à la politique. L’homme en bleu, ainsi que l’appellent nos voisins, n’a d’autre nuance que celle de son habit. Que le gouvernement change de main, que les ministères tombent ou s’élèvent, le policeman de service dans les couloirs du parlement assiste d’un air impassible à ces événemens. Il faut surtout le voir dans les temps d’élection en face des hustings ; comme il accueille avec la même politesse tous les candidats et fait luire le soleil de la protection aussi bien sur les radicaux que sur les tories ! Pourvu que l’ordre règne sur la place, c’est-à-dire que le cercle tracé par lui autour des opérations du scrutin ne soit point franchi par la foule et que les voleurs ne fouillent pas trop dans la poche de leurs voisins, sa mission se trouve remplie. Il peut avoir son opinion personnelle, et généralement il est libéral ; mais ses sentimens, quels qu’ils soient, n’interviennent jamais dans l’exercice impartial de ses devoirs.

La police n’a nullement été organisée au-delà du détroit en vue d’une action politique : aussi se trouva-t-elle prise au dépourvu par le mouvement des fenians. Le personnel (7,782 hommes) n’était déjà point assez nombreux pour garder en temps de paix l’immense métropole contre les tentatives des voleurs ; comment eût-il suffi à déjouer de hardis complots et à soutenir une sorte de guerre sociale ? A l’armée de l’ordre, on se hâta donc d’ajouter 1,000 constables,

  1. Le policeman frappe quelquefois le matin à la porte des ouvriers qui ont besoin de se lever de très bonne heure, et reçoit, pour les réveiller ainsi, une légère gratification par semaine.