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Anglais obéissent à certaines influences périodiques : l’usage veut, par exemple, qu’une classe minime de la population perde sa raison dans le gin durant la semaine de la Pentecôte et à quelques autres époques de l’année. Il est alors triste et curieux de voir le genre de service auquel doit se dévouer le constable dans les rues de Londres. Sa conduite est d’ailleurs admirable. Avec quelle attitude de philosophe-stoïcien il supporte quelquefois les invectives de créatures excitées par la liqueur de feu ! Avec quelle froide et invariable humanité il lie et transporte sur des brancards des femmes complètement ivres ! Ce sont, dit-on, des Irlandaises, car le peuple de la verte Erin est le bouc émissaire sur lequel chacun rejette volontiers les fautes dont tout le monde rougit. Dans cette circonstance ainsi que dans toutes les autres, il faut que le policeman sache bien reconnaître la limite qui sépare la liberté personnelle de la licence. Tant qu’un homme ne commet point dans la rue ce que la loi anglaise qualifie d’offense, il est inviolable pour tout agent de l’autorité. Quoique gardien éclairé de l’ordre et à certains égards de la morale publique, Bobby a pourtant ses faiblesses : il aime les femmes. Habitué d’un autre côté à traiter pour les devoirs de sa charge avec des vertus fort douteuses, il lui arrive quelquefois de se tromper, et à l’heure où toutes les chattes sont grises de prendre des personnes honnêtes pour des filles de mauvaise vie. Tout abus de pouvoir dans l’exercice de ses fonctions est d’ailleurs sévèrement puni. Quiconque croit avoir à se plaindre de la conduite d’un constable a droit de l’assigner devant un magistrat de police. L’enquête des faits a lieu au grand jour, et la réparation est publique. Qu’on ne craigne pas surtout que l’autorité cherche à couvrir d’un voile les fautes de ses agens ; avec quel austère désintéressement elle reconnaît au contraire et châtie leurs moindres. transgressions ! « Il est de la plus haute importance pour les intérêts de la justice que la police renferme l’exercice de ses devoirs dans les limites de la discrétion, » disait dernièrement en pareille circonstance M. Vaughan, magistrat de la cour de Bow-street. De leur côté, les officiers de Scotland-Yard peuvent frapper le constable de différentes peines disciplinaires. l’amende, la dégradation, la démission[1].

Ne désire-t-on pas aussi connaître quelque chose de la vie du policeman ? Il est naturellement ou marié ou célibataire. Dans le premier cas, il demeure avec sa famille comme tout le monde,

  1. L’amende est bien moins redoutée que la dégradation, car cette dernière entraîne, outre la disgrâce morale, une réduction de traitement, et il faut quelquefois que le constable dégradé attende longtemps avant de remonter l’échelle des salaires. L’agent exclu du service (dismissed) perd tout l’argent qui peut lui être dû par l’administration.