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cuir dont autrefois il était affublé a été remplacé dans ces dernières années par un casque de feutre assez laid, mais qui charge moins la tête, et qui, dit-on, la protège mieux contre les coups et les autres accidens. Par les temps de pluie, il se couvre les épaules d’un petit manteau noir en toile vernie qu’il roule au premier rayon de soleil et qu’il s’attache au côté par le moyen d’une ceinture. Il est armé d’un court bâton (truncheon ou staff) qu’il ne porte jamais ostensiblement à la main, mais qui repose dans un fourreau de cuir. L’agent de la force publique ne doit faire usage de ce gourdin que dans les cas extrêmes, lorsqu’il s’agit de défendre sa vie ou de ressaisir un prisonnier qui cherche à s’échapper violemment. Tout cet appareil est d’ailleurs peu de chose sans une bande de laine blanche et bleue qu’il se noue au bras quand il est de service. Ce magique ruban, qu’il n’a le droit de porter qu’à certaines heures et dans les limites de sa circonscription, annonce à tout le monde les pouvoirs que lui confère la loi. Un tel signe d’autorité agit alors comme un talisman, et fait respecter le policeman même de cette classe de voleurs ou de meurtriers qui ne respectent rien.

Du jour où il s’enrôle dans l’armée dont le quartier-général est à Scotland-Yard, le constable s’engage sur l’honneur à consacrer tout son temps aux devoirs de sa charge ; Une doit exercer aucune autre profession, et, s’il est marié, sa femme elle-même ne peut tenir une boutique. Ainsi que le soldat, il appartient au service et est obligé de marcher au premier signal. La police métropolitaine a d’abord pour fonction de veiller sur la ville de Londres (à l’exception de la Cité) et sur plusieurs des comtés qui l’avoisinent. En d’autres termes, il lui faut protéger une population de 3 millions et demi d’habitans. D’un autre côté, la capitale de l’Angleterre s’accroît démesurément, et qui fixera ses limites ? Des marais, des terrains vagues, se convertissent chaque jour comme par enchantement en des quartiers tout modernes, dont quelques-uns sont les plus fashionables et les plus somptueux de Londres. Ce mouvement est inexorable : la plupart des espaces ouverts, des champs, des jardins potagers, lacunes de verdure qui séparaient l’interminable ville de nombreux bourgs situés dans le Middlesex, le Surrey, le Kent, l’Essex, l’Hertfordshire, s’évanouissent à vue d’œil sous le flot dévorant de cette marée de briques avançant toujours.