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sens fait voir que l’hypothèse d’une progression indéfinie conduirait à l’absurde.

Chaque régime économique, chaque procédé fiscal a une force d’expansion qui lui est propre : un système d’impôt étant donné, les résultats qu’il produit flottent entre un maximum et un minimum qui ne sauraient être dépassés. Les variations possibles ont pour causes quelquefois un incident politique qui réagira sur les affaires, et le plus ordinairement l’état des récoltes, qui fournissent les principaux élémens de l’échange commercial et de l’aisance publique. L’année 1865 a été d’une fécondité exceptionnelle, surtout dans les deux branches principales de l’impôt, les sucres et les boissons. Cette abondance profite à l’année 1866 ; les consommations deviennent faciles, le propriétaire campagnard, dont le revenu est augmenté, renouvelle son outillage ou se permet des jouissances personnelles qu’il demande à l’industrie des villes : de là une multiplicité de transactions dont le trésor recueille le bénéfice. Est-ce une raison pour que l’année suivante soit plus épanouie et plus productive encore ? Ce serait plutôt le contraire malheureusement qu’il faudrait prévoir. Une expérience vieille comme le monde nous a appris que les vaches maigres ne tardent pas à suivre les vaches grasses. Il arrive donc, comme on devait s’y attendre, que la récolte de 1866 reste au-dessous de la moyenne ; aussitôt l’insuffisance et la cherté des produits, les déceptions du cultivateur, compriment les dépenses, et l’impôt faiblit nécessairement en 1867. La fatalité veut que cette année 1867 soit elle-même encore bien plus mauvaise que la précédente. Pour ne citer qu’un fait, la production moyenne des céréales pendant les trois années 1863-65 avait été de 108 millions d’hectolitres pour le froment et 158 millions d’hectolitres pour les sept autres espèces de grains[1]. L’année dernière, le froment donné seulement 83 millions d’hectolitres, et pour tous les autres grains le rendement ne dépasse pas 134 millions : de là une différence qui, évaluée en argent, ne représenterait pas beaucoup moins de 1 milliard de francs perdu seulement pour les producteurs de céréales. Les vignobles ne sont guère mieux partagés. Ce retranchement de 1 milliard au moins dans les revenus de nos populations agricoles, le ralentissement des achats de la campagne coïncidant avec la cherté des vivres dans les villes, vont avoir pour effet d’amoindrir le contingent du trésor en 1868, il faut s’y attendre. Ce sera une complication des embarras et de la crise dont nous souffrons dans ce moment.

Même les causes accidentelles mises à part, ce prétendu principe

  1. Méteil, seigle, orge, avoine, maïs, sarrasin, farineux secs.