Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 75.djvu/670

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

trouvons que la moyenne annuelle de ces emprunts est 254 millions. L’écart n’est pas grand entre ces deux chiffres, et la coïncidence est vraiment remarquable. On va nous dire : l’emprunt n’est pas un mal par lui-même, pourvu qu’on ait les moyens d’y faire honneur, et peu importe que l’accroissement de la dette publique grossisse nominalement le budget des dépenses, si la prospérité créée par ces dépenses mêmes a pour effet de déterminer une progression équivalente dans les recettes ? — C’est ici que nous attendions les apologistes du système pour examiner avec eux l’état réel des choses.


II. — LA SITUATION.

Dans toute analyse financière, on doit éviter de confondre les recettes normales, celles qui proviennent des contributions et revenus publics et se reproduisent naturellement, avec les recettes accidentelles, qui ne sont pas destinées à se reproduire et qui ont presque toujours pour origine des emprunts plus ou moins bien déguisés. Nous venons de constater que depuis l’établissement de l’empire les produits naturels de l’impôt sont restés très insuffisans et que, pour les élever au niveau des dépenses, il a fallu recourir constamment à des expédiens, à des aliénations de revenus, à des emprunts dans la mesure moyenne de 254 millions par année. Est-on autorisé à espérer que l’équilibre se rétablira de lui-même par la progression naturelle des impôts ? Peut-on continuer à vivre d’anticipations et élever à l’état de principe le sacrifice de l’avenir au présent ? N’est-on pas arrivé à un point au il faut rompre avec les pratiques du passé et changer résolument de système ?

Une théorie assez commode s’est introduite depuis quelques années au sein de nos commissions financières. « Elle consiste, disait encore le dernier rapporteur, M. du Miral, à doubler dans le budget rectificatif la progression des recettes qui s’est réalisée dans l’exercice où le budget, primitif a été présenté comparativement à celles de l’exercice qui en avait précédé la présentation, et qui lui ont servi de base. » Cette formule assez obscure demande à être éclairée par un exemple. Dans la première ébauche du budget de 1867, l’évaluation des impôts indirects a pour base les recouvremens effectifs de 1865. Il s’est trouvé que l’exercice 1866 adonné 42 millions de plus que 1865 ; on en a conclu que 1867 donnerait un bénéfice au moins égal, et en rectifiant les comptes provisoires de cette dernière année on a estimé à 86 millions cette progression des impôts, que l’on suppose immanquable. Les résultats de l’année dernière ont donné un démenti assez rude à cette théorie. Le simple bon