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et de l’Ouest : ces tronçons, exploités dès lors au profit de l’état, donnaient déjà en 1851 un revenu net de 5,685,978 francs. N’est-il pas juste que la dette créée pour l’acquisition de ces chemins soit diminuée des recouvremens qu’elle procurait ? Ces trois soustractions étant opérées, il reste un total de 208,978,862 francs que l’on doit considérer comme le chiffre réel de la rente perpétuelle payable au début de l’empire.

La langue budgétaire est pleine d’euphémismes. C’est par une fiction qu’on donne exclusivement le nom de dette publique à celle qui est consignée sur le grand-livre. Il existe, surtout en France, une foule d’autres engagemens qui, sans être littéralement perpétuels, se renouvellent incessamment, et, semblables en cela à la rente consolidée, ne se modifient guère que pour prendre des accroissemens nouveaux. Tels sont les fonds roulans de la dette flottante, des cautionnemens, des pensions, des emprunts remboursables par annuités, des garanties d’intérêts, des subventions échelonnées sur de très longues périodes. Si on laissait dans l’ombre ces diverses catégories de la dette publique, on n’aurait qu’une idée fausse et incomplète des charges qui pèsent sur la nation. Or, au commencement de 1852, la dette flottante, y compris le capital des rentes dont le remboursement avait été demandé, montait déjà à 688,692,411 francs. Les fonds déposés à titre de cautionnemens se capitalisaient par 234 millions. Nos anciens emprunts pour travaux publics, remboursables par annuités, représentaient alors un capital de 82 millions, et exigeaient 8,960,300 francs pour intérêts, primes et amortissemens. Enfin le chapitre des pensions et engagemens viagers montait à 45 millions, dont 37 étaient consacrés aux pensions militaires. — En résumé, l’ensemble des dettes de l’état, tant perpétuelles que transitoires, enlevait aux contribuables une somme de 292 millions de francs. Retenons bien ce chiffre de 1852, il faudra le rapprocher de l’état actuel des choses.

On voit assez clairement aujourd’hui qu’au moment où le coup d’état fut frappé tout avait été préparé pour donner une impulsion soudaine aux affaires et causer dans le public une sorte d’éblouissement par le contraste de la veille et du lendemain. Dès les premiers jours commence à se dessiner le plan qui, en s’accentuant de plus en plus, constituera le système économique de l’empire, système à grands effets, mais plein de dangers. Il consiste à surexciter les instincts industriels pour obtenir l’abstention politique, à figurer une prospérité théâtrale, à forcer les sympathies par la diffusion du bien-être, en semant d’une main large et facile les privilèges financiers et commerciaux, les concessions, les subventions, les garanties d’intérêt, les commandes, les gros traitemens,