Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 75.djvu/656

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Comme nous n’exposons point l’histoire financière de la république, nous n’avons pas à rappeler les expédiens qui ont rétabli la confiance d’une manière inespérée. Il s’agit ici seulement de constater l’état des choses à l’origine de la période napoléonienne. Or l’élu du 10 décembre eut la bonne fortune de trouver une situation étonnamment dégagée. Au 1er janvier 1849, la dette flottante était redescendue à une sorte de minimum, 318 millions, dont 227 seulement passibles de 14 millions d’intérêts. Le budget républicain était ramené aux proportions du régime monarchique ; l’armée avait une consistance respectable ; les besoins forcés de la consommation réveillaient l’industrie ; les grands travaux d’utilité publique étaient subventionnés beaucoup plus largement qu’aujourd’hui. Les trois années de la présidence offrirent peu d’incidens remarquables au point de vue financier. Le contrôle parlementaire, assez sévère à cette époque, obligeait à une certaine réserve dans la dépense. On avait à cœur de ne plus rouvrir le grand-livre, sauf à surcharger la dette flottante. Toutefois l’indécision existait dans les affaires, l’inquiétude dans les esprits. On eût dit que la nation avait à subir un temps d’arrêt dans ses destinées, comme si on avait voulu lui faire désirer un nouvel ordre de choses.

La république est supprimée, et bientôt l’empire lui succède. Prenons date au lendemain du 2 décembre, et marquons par des traits précis l’état des choses financières à ce moment suprême, puisque ce point de départ nous servira bientôt comme moyen de comparaison pour mesurer le chemin qui a été fait. Au 1er janvier 1852, la dette consolidée était inscrite au grand-livre pour 311,874,237 francs ; mais c’est là un chiffre nominal, et, pour le ramener à la réalité, il faut opérer une série de réductions : d’abord la dotation et les rentes de l’amortissement, aujourd’hui supprimées, qui montaient alors à 79,642,996 francs. On sait en second lieu qu’un décret dictatorial du 14 mars 1852 a prononcé la conversion des rentes 5 pour 100 en 4 1/2 ; il résulta de cette opération le retranchement de 17,566,403 francs de rentes sur celles qui furent converties ; il faut donc alléger le total de la dette de ces annuités, qu’on cessa de payer[1]. Enfin, parmi les rentes créées dans la panique de 1848, figurait une inscription motivée par le rachat de plusieurs sections de chemins de fer sur les lignes de Lyon

  1. Nous reconnaissons ce qu’il y a eu de hardiesse et de dextérité dans l’opération qui a retranché par décret 17 millions et demi de rente, nous ne voulons pas contester à l’empire ce genre de mérite ; mais, comme il s’agit ici de faire un relevé des ressources extraordinaires que l’empire a dû se procurer et des dettes nouvelles auxquelles ces expédiens ont donné lieu, notre calcul serait inexact, si on ne prenait pas pour point de départ la somme de rentes effectivement payée à l’origine.