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été chose prudente ni même possible. L’abbé Émery se contenta de dire de vive voix et par écrit comment les choses s’étaient passées[1].


III.

Pendant que s’agitaient ces difficultés, l’affaire du mariage autrichien avait rapidement marché et les clauses du contrat matrimonial avaient été signées à Vienne. Peut-être l’empereur pensa-t-il que le moment était opportun, avant l’arrivée en France de la fille du très catholique empereur François, de lancer le sénatus-consulte dont nous avons parlé tout à l’heure, et qui devait officiellement réunir Rome à ses états. Les articles de ce sénatus-consulte avaient été délibérés dans le conseil privé. Napoléon avait revu et corrigé lui-même l’exposé des motifs que M. Regnault de Saint-Jean d’Angely devait lire au sénat. Il contenait comme d’habitude (dans quels termes et avec quelle exactitude, on va le voir) le résumé des griefs du gouvernement français contre le saint-siège. Voici un échantillon du langage que dans cette solennelle circonstance l’empereur trouvait bon de faire tenir au premier corps de l’état par l’orateur de son gouvernement :

  1. Voici un extrait de la note officiellement communiquée par le gouvernement au Journal des Curés et reproduite le 16 janvier 1810 dans le Journal de l’Empire : « ….. Dans une question si importante, l’officialité de Paris a consulté les cardinaux Fesch, Maury et Caselli, l’archevêque de Tours, les évêques de Nantes, d’Évreux, de Trêves et de Verceil, et l’abbé Émery, conseiller de l’Université, composant le comité qui s’assemble tous les jours pour s’occuper des affaires importantes de la religion.
    « Ce comité, après avoir examiné les informations et les dépositions des témoins qui ont été entendus dans cette affaire, a été unanimement d’avis des motifs et des conclusions de la sentence de l’officialité, qu’il a trouvés conformes aux coutumes de l’église gallicane et aux différens canons et décrets des conciles.
    « Nous sommes bien aises de pouvoir donner ces détails, qui sont faits pour satisfaire les fidèles, soit par l’importance qui a été mise à se conformer aux lois de l’église, soit par le poids, le caractère et la science des hommes qui ont été consultés et qui en ont décidé. »
    À cette date du 16 janvier 1810, il s’agissait beaucoup moins, quoi qu’en disent le Journal de l’Empire et le Journal des Curés, de satisfaire les fidèles que d’agir utilement sur la cour impériale de Vienne en vue du prochain mariage avec Marie-Louise. Quant aux détails officiellement fournis par le gouvernement à ces deux feuilles, ils étaient tout à fait contraires à la vérité, ainsi qu’il résulte de la lettre suivante de M. l’abbé Émery : « Vous avez vu mon nom au bas d’une pièce à laquelle je n’ai eu aucune part. L’affaire a été discutée en mon absence, et il n’a été question dans la commission que de la compétence. Ces messieurs disent que la sentence et les motifs n’ont point été soumis à leur délibération. J’incline cependant à croire que, du côté du tribunal ecclésiastique, tout a été régulier. » — Lettre de M. l’abbé Émery à son parent M. Girod (de l’Ain), du 14 février 1810. — Papiers conservés au séminaire de Saint-Sulpice pour écrire la vie de l’abbé Émery.