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acquise pour notre pays, mais l’adjudication lui procura huit modèles en plâtre et une réduction avec variantes de la grande frise du Quirinal représentant le Triomphe d’Alexandre. Au bout de quelques mois, les caisses qui contenaient le tout étaient déposées au Louvre. Malheureusement plusieurs de ces plâtres avaient subi de graves avaries pendant le trajet, et, pour réparer le dommage, l’administration du musée de Copenhague s’empressait d’offrir de nouveaux exemplaires qui furent expédiés et reçus en 1851, D’où vient que depuis cette époque aucune publicité n’ait été donnée aux œuvres qu’on avait cru devoir acquérir ? Comment, au lieu de trouver à l’École des beaux-arts ou ailleurs une hospitalité digne d’elles, ces reliques d’un talent célèbre demeurent-elles soustraites à tous les regards dans les combles du Louvre ? Jusqu’à présent, ni Thorvaldsen ni les artistes n’on rien gagné à la mesure qu’on avait entendu prendre dans un intérêt commun, et l’obscurité qui enveloppe encore les monumens recueillis nous laisse en réalité aussi à court d’informations qu’au temps où nous ne possédions aucun de ces témoignages du genre d’habileté propre à Thorvaldsen.

L’auteur d’un livre récemment publié, M. Eugène Pion, s’imposait donc une tâche utile et vraiment neuve en entreprenant de nous donner, à côté de renseignemens authentiques sur la vie du maître, les images fidèles des principales œuvres laissées par celui-ci. Ce. n’est pas que des entreprises analogues n’eussent été accomplies déjà dans la patrie même de Thorvaldsen. Les travaux biographiques ou descriptifs qui se sont succédé depuis les diverses études de M. Thiele jusqu’au catalogue dressé par M. Müller, les recueils de planches publiés soit par le même M. Thiele, soit par M. Hillerup, ont amplement informé l’opinion en Danemark ; mais, en dehors de cette influence toute locale, quelle popularité de pareils ouvrages pouvaient-ils acquérir ? La langue dans laquelle ils sont écrits pour la plupart, le nombre des volumes dont ils se composent, tout faisait obstacle à un succès qui pût dépasser à l’étranger le cercle des érudits. Ajoutons que l’exécution des gravures, suffisante pour rappeler l’ensemble des formes à des regards familiarisés avec les types originaux, peut sembler sommaire ou équivoque à des gens qui n’ont point de moyens de contrôle à leur portée. Le caractère de la publication française est tout autre. Bien que limité à peu près, dans la partie biographique, à une simple chronologie des faits et, dans la partie critique, à un petit nombre d’explications strictement nécessaires, le livre de M. Pion nous permet de suivre l’histoire et d’apprécier le talent de Thorvaldsen. Les gravures qui accompagnent le texte sont des spécimens significatifs par le choix judicieux des modèles comme par la précision de l’imitation.