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âge, le mandat impératif et révocable était la règle dans tous les états-généraux. Cela était conforme aux idées germaniques ; la province formait un corps politique indépendant, une personne civile. Cette personne civile faisait connaître sa volonté par un mandataire, comme actuellement un état exprime la sienne par ses ambassadeurs. Le principe des constitutions modernes, en vertu duquel le député représente tout le pays et vote conformément à sa conviction en vue du bien général, supprime avec raison ce liberum veto des provinces au profit de l’unité nationale.

La première chambre se compose aujourd’hui des suprêmes comtes ou gouverneurs de comitats, des évêques, des magnats, princes, comtes ou barons et de tous leurs fils majeurs, de façon que le nombre des pairs est illimité. Cela nous paraît bizarre aussi, mais s’explique par le fait qu’autrefois les magnats entraient à la diète de par leur droit individuel. Le nombre des membres de la chambre haute qui se rendent aux séances n’est jamais très considérable, et beaucoup de ceux qui ont droit d’y siéger se font élire à la chambre basse. D’après les lois de 1848, le nombre des députés des villes et des comitats s’élève à 446 pour la Hongrie et les partes adnexœ, Transylvanie, Croatie, Slavonie, etc. Les comitats sont divisés en circonscriptions électorales dont chacune ne nomme qu’un député. Le droit de voter n’appartient pas à tous les citoyens ; mais, pour en jouir, il suffit soit d’être propriétaire d’une maison valant 300 florins ou d’un quart de session, ce qui équivaut à 4 ou 5 hectares de terre, soit d’exercer une industrie ou un métier avec l’aide d’un compagnon, soit d’appartenir aux classes instruites, avocats, médecins, apothicaires, pasteurs, maîtres d’école, artistes, ingénieurs, soit d’avoir été précédemment électeur. Les journaliers sont donc seuls exclus, et le dernier paragraphe de ces lois de 1848 a été adopté pour ne pas repousser du scrutin les nobles sans fortune qui y avaient été admis jusque-là.

Le nombre des paysans qui jouissent du suffrage est très grand, parce que la plupart possèdent une partie du sol jadis soumise à la corvée, aujourd’hui affranchie. Un corps électoral ainsi composé est porté à pousser à l’extrême les traits distinctifs du caractère magyar, l’orgueil national, la haine de l’Autrichien, l’opposition au pouvoir central. Il est héroïque, mais ombrageux. Prêt à tout sacrifier pour la grandeur du pays, plein d’illusions sur sa force réelle, il compromettra à l’occasion sa sécurité par défaut de prudence et de ménagemens. L’esprit républicain est dans son sang ; il est chez lui une tradition historique, et par suite le parti hostile au gouvernement pourra toujours compter sur un assez fort appui. Ce qu’il faut en conclure, c’est que le ministère, quel qu’il soit, doit éviter de blesser, les susceptibilités nationales par des