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que ces dernières crises n’aient pas grandi, au moins sous le rapport de l’autorité, les hommes qui y ont joué le rôle le plus saillant. Malgré tout néanmoins à considérer les choses de haut, toutes les chances sont en faveur de M. Gladstone, en faveur aussi de ces idées de liberté religieuse dont il a planté le drapeau en plein parlement, qui feront inévitablement leur chemin dans la libérale Angleterre. Une fois proclamées avec cet éclat, ces idées ne reculeront pas; elles pourront avoir encore plus d’une bataille à livrer, elles finiront par s’imposer, non-seulement comme une mesure de politique prévoyante et réparatrice envers l’Irlande, mais comme une vérité plus générale, et il n’y a pas à s’y méprendre, c’est le commencement d’une révolution qui dans l’ordre moral n’est pas moins grande que la révolution accomplie, il y a vingt ans, dans l’ordre économique par la proclamation de la liberté commerciale’.

Ces questions de liberté religieuse d’ailleurs, elles s’agitent aujourd’hui un peu partout; elles apparaissent dans toute la noblesse de la vie Parlementaire comme à Londres, ou dans de vulgaires et répugnans épisodes de persécution comme en Moldo-Valachie. Depuis quelque temps en effet, c’est là ce qui remue intérieurement les principautés et ce qui met du même coup le gouvernement roumain dans une situation difficile au moins très délicate vis-à-vis de la diplomatie européenne, qui ne peut véritablement admettre que, dans un état instituerons ses auspices. Il y ait aujourd’hui une persécution organisée contre les juifs S’il est des pays ou la tolérance devrait être populaire, où les idées de liberté religieuse devraient s’imposer naturellement, ce sont ces contrées orientales, qui ont eu si souvent à souffrir dans leur conscience, dans leur loi, sur lesquelles a pesé l’oppression musulmane. Il n’en est cependant rien, et ce qu’il y a de plus curieux, c’est que ce système de persécution contre les juifs est audacieusement pratiqué, ou toléré et dissimulé avec toute sorte de ruses par un ministère qui se dit libéral, à la tête duquel est M. Bratiano. Déjà l’an dernier des actes de violence isolés s’étaient produits sur quelques points, notamment à Galatz, et avaient appelé l’attention des consuls européens. L’Autriche était intervenue avec une certaine insistance pour obtenir la répression de ces violences des enquêtes avaient eu lieu, et en définitive on n’était arrivé à rien : le cabinet de Bucharest s’ingéniait à tout rejeter sur les Turcs; mais c’est depuis quelques mois surtout que les faits sont devenus plus nombreux, plus crians, et qu’ils ont pris en quelque sorte un caractère systématique. Dans le district de Bakou notamment, de véritables scènes de barbarie populaire se sont produites ; les juifs ont été expulsés en masse, et les autorités elles-mêmes procédaient à ces expulsions. S’il n’y avait eu qu’un déchaînement passager de populations ignorantes et aveuglées par des ressentimens contre les juifs, ou un excès de zèle de quelques autorités locales, ce ne serait rien encore; quelque démonstration ferme