Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 75.djvu/512

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vatrice; il se figure qu’il sauve la société et l’empire d’un cataclysme imminent, il croit peut-être même être très nouveau en prenant cette attitude d’indépendance morose vis-à-vis des témérités libérales du gouvernement. Hélas! il n’y a rien de nouveau, pas même cette situation bizarre où un gouvernement, qui ne va pourtant pas bien loin dans ses réformes politiques, se trouve en face d’une assemblée moins libérale que lui. Sauf la différence des temps et des hommes, c’est tout juste la situation où se trouvait, il y a un peu plus de cinquante ans, le gouvernement naissant de la restauration en face d’une chambre tellement exceptionnelle par son esprit conservateur qu’elle a gardé dans l’histoire le nom d’introuvable, À cette époque aussi, c’était le roi qui se montrait à demi libéral, qui voulait marcher; c’était la chambre qui représentait la réaction et la résistance, qui aurait refait, si elle avait pu, l’ancien régime. Ce fut l’origine de l’ordonnance du 5 septembre 1816, qui mit fin au conflit en dissolvant cette chambre plus royaliste que le roi. Le sénat d’aujourd’hui est heureusement plus sage-, il parle, il fait de son mieux pour convaincre le gouvernement qu’il a tort de s’engager dans cette voie libérale si dangereuse, puis il vote avec une unanimité résignée. Et quand M. de Maupas l’aurait emporté sur M. Rouher dans l’esprit de la grave assemblée, quand on aurait réussi à écarter par un ajournement indéfini cette loi sur la presse, la belle victoire vraiment pour le sénat !

Ainsi donc, selon M. de Maupas, qui a trop visiblement arrêté sa montre au 2 décembre 1851, il y aurait deux choses également certaines : la première c’est que le régime discrétionnaire fait partie intégrante de la constitution, c’est que le décret de 1852 sur la presse s’identifie avec l’empire au point de ne pouvoir en être détaché; la seconde chose qui n’est pas moins démontrée, c’est que l’empire serait incompatible avec la liberté de la presse telle qu’on l’a entendue jusqu’ici, c’est que la loi nouvelle devrait conduire inévitablement un jour ou l’autre à une de ces catastrophes qui se sont trouvées sur le chemin de tous les gouvernemens. Et si tout cela était vrai, si un ami du gouvernement qu’il serait certes injuste de soupçonner de tiédeur peut accréditer de telles choses, on pourrait se demander ce que ferait de mieux un ennemi de l’empire qui voudrait insinuer à l’opinion publique qu’elle n’a rien à attendre, rien à espérer.

Une des raisons les plus habituelles et les plus vaines de tous les défenseurs attardés de l’absolutisme pour demander que le gouvernement reste entier dans son omnipotence, c’est la situation de l’Europe: il semblerait que, pour jouer le rôle qui nous appartient dans les affaires extérieures, nous devons commencer par abdiquer toutes nos libertés à l’intérieur, même le droit de penser tout haut et de parler sans autorisation administrative. C’est au contraire une des raisons les plus fortes pour