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une loi destinée à développer ses propositions, ou qu’après l’engagement solennel qui vient d’être pris et les mesures secondaires qui l’accompagnent il attende la réunion du parlement réformé, qui ne manquera pas de les ratifier, désormais le résultat final est assuré. Les prémisses du problème sont posées, et le champ est ouvert à tous les projets qui peuvent se présenter pour en régler la solution. Sans tenter de les examiner tous, nous croyons devoir indiquer les principaux élémens qui rendront les uns possibles et les autres chimériques. Ceux-là mêmes qui n’éprouvent aucune sympathie ni pour la malheureuse et persévérante Irlande, ni pour la libre Angleterre, pourront trouver quelque intérêt à examiner une question qui nous offre à tous des exemples utiles et instructifs.

Le vote de la chambre des communes, éclairé par la discussion, implique le disestablishment et le disendowment de l’église anglicane d’Irlande, la suppression de son caractère officiel et l’emploi à d’autres usages d’une partie des richesses qu’elle possède à titre d’église d’état. La première de ces deux mesures n’est pas sans précédens. Sous le règne de Guillaume III, l’Angleterre renonçait à imposer à l’Ecosse ses institutions religieuses. L’église anglicane, que les Stuarts y avaient implantée comme leurs prédécesseurs l’avaient fait en Irlande, cessa d’y être une église officielle, et, rentrant dans le droit commun, forma avec les adhérens qui lui furent fidèles une communauté administrée d’une manière tout à fait indépendante de la couronne. Guillaume III alla plus loin encore, puisqu’il reconnut comme église d’état l’église presbytérienne, persécutée avant lui, et se proclama son chef spirituel, car tel était l’esprit du temps que l’opprimé de la veille ne pouvait goûter l’indépendance sans vouloir devenir l’oppresseur du lendemain. L’église anglicane d’Irlande, en perdant son caractère officiel, pourrait devenir semblable à celles qui ont été fondées en Amérique et dans la plupart des colonies anglaises. Choisissant elle-même ses évêques et ses ministres, s’administrant elle-même, elle serait affranchie de tout contrôle du gouvernement, et si ses prélats ne siégeaient plus à la chambre des pairs, en revanche ils ignoreraient désormais la juridiction de la court of arches et du conseil privé.

Le disendowment est une question pécuniaire et par conséquent plus délicate à traiter. Nous avons dit que la dîme formait la partie la plus considérable des revenus de l’église établie, qu’elle frappait la terre, quelle que fût la religion du propriétaire ou du fermier, qu’elle était payée directement au pasteur, et qu’enfin aucun subterfuge ne pouvait l’empêcher d’être un impôt prélevé sur le sol tout entier et sur toute la population qui le cultive. Il s’ensuit que c’est essentiellement une charge publique acceptable là seulement où l’église qui la perçoit est une institution officielle, une