Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 75.djvu/489

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avait une, non-seulement dure, mais particulièrement absurde, qui, en s’opposant à la fondation de tout collège ou séminaire catholique, avait pour but d’avilir le clergé par l’ignorance, et pour résultat de forcer toute la jeunesse intelligente qui se destinait aux ordres à faire son éducation en France. Après 1789, et surtout lorsque nous fîmes la guerre à l’Angleterre, Pitt craignit de voir les prêtres ainsi élevés apporter en Irlande les principes de notre révolution, y devenir les agens d’une insurrection en faveur de la France, et il résolut d’assurer au clergé irlandais sur son propre sol tous les moyens d’instruction dont il avait besoin. Cet esprit profond et sagace, qui s’élevait bien au-dessus des préjugés de son temps, ne craignit pas, une fois le but proposé, de commettre, pour l’atteindre, une flagrante infraction aux principes qui faisaient de la religion protestante la religion d’état. Il fonda et dota avec les deniers publics le séminaire de Maynooth, destiné à l’éducation du clergé catholique, sans se troubler à la pensée qu’on y enseignerait aux frais de l’état des doctrines contraires à celles de l’église officielle. D’ailleurs cette mesure n’était que le prélude de tout un système qu’il n’eut pas le pouvoir de mettre en pratique.

Au moment où il fut fondé, le collège de Maynooth rendit de grands services; mais aujourd’hui, grâce aux effets féconds de la liberté, grâce à de nombreuses fondations particulières, son importance a bien diminué. Une université catholique libre fleurit à côté de Trinity-College, l’antique foyer de l’intolérance protestante, tandis que sur bien des points de l’Irlande s’élèvent des collèges et des séminaires qui font concurrence à l’établissement de Maynooth. D’autre part, les passions qui la menaçaient autrefois se sont apaisées, et le vote annuel des 750,000 francs de subvention, qui jadis soulevait dans le parlement de véritables tempêtes, n’est plus accompagné que d’un ou deux discours que quelques champions infatigables de ce qu’on appelle la « suprématie protestante[1] » se croient obligés de prononcer, et auxquels personne d’ordinaire ne prend la peine de répondre. Cette subvention, comme on voit, destinée uniquement à un établissement d’éducation, ne contribue en rien à améliorer la situation du clergé catholique.


III.

Tel est le terrain sur lequel s’est engagée la lutte parlementaire dont l’issue intéresse à un si haut degré tous les esprits libéraux. M. Gladstone avait donné à ses propositions sur l’église d’Irlande la forme de trois résolutions. La première consacrait par une déclara-

  1. Protestant ascendency.