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large champ pour leur besoin d’affection. Les communistes selon la Bible donnent une charte pieuse au libre amour, et le sentiment du libre amour est profondément enraciné dans le cœur du New-York. » Il est évident en effet qu’avec une telle discipline ce que Properce appelle quelque part le dur travail de l’amour doit être épargné aux membres d’Oneida Creek, et que le sentiment dominant d’une telle communauté doit être cette affection tranquille, sans profondeur ni exigences, qui est recherchée de ceux qui, sans renoncer à la liberté et à l’amour, sont dominés cependant par le besoin de repos.

Malgré cette prudente discipline, il est cependant douteux pour nous que l’établissement d’Oneida Creek se fut assis solidement, si la bénédiction des biens de la terre ne lui avait pas été apportée par un trapper canadien, Sewell Newhouse, homme pratique qui enrichit la communauté par le petit moyen que voici. L’article des trappes est un des plus demandés des articles de commerce sur le marché américain; or, fait bizarre, cet article est presque tout entier fourni par l’importation allemande et se fabrique au-delà du Rhin. « Si on pouvait enlever le commerce des trappes au marché allemand! » se dit l’ingénieux Newhouse, et il produisit un nouveau système de trappes qui eut un succès complet. En une seule année, la communauté en retira un bénéfice de 80,000 dollars (400,000 fr.), qui lui fournit le capital nécessaire pour durer. Depuis lors la concurrence s’en est mêlée et les profits ont diminué, mais les trappes rendent encore aux perfectionnistes d’Oneida un bénéfice annuel de 75,000 francs. Ajoutez à cette somme le profit qu’ils retirent de leurs conserves de fruits, dont ils vendent pour 25,000 dollars (125,000 francs). Voilà certes un beau revenu pour une communauté peu nombreuse et dont les membres vivent dans le repos du Seigneur! A quoi tiennent cependant les choses de ce monde, et comme le sort des institutions les plus solides ou des idées les plus impraticables en apparence dépend d’un accident imprévu! Un trapper canadien, qui pouvait apparaître ou ne pas apparaître, invente un modèle de trappes, et voilà le mariage aboli, au moins à Oneida, et pour trois cents personnes.

« Le sentiment du libre amour est profondément enraciné dans l’état de New-York, » avait dit l’elder Frédéric à M. Dixon. Oneida Greek en effet n’est une exception aux États-Unis que par les principes chrétiens sur lesquels s’appuie la communauté; mais il y a beaucoup d’autres sociétés qui pratiquent le free love en vertu de principes plus profanes. Une de ces sociétés, établie près de New-York il y a quelques années, était le fruit des prédications d’un de nos compatriotes, Albert Brisbane, disciple de Fourier. La secte