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tions avec les Indiens, accusation que M. Dixon, qui l’omet, a cependant indirectement formulée lorsqu’il a reconnu tout ce que la froide réserve et l’orgueil saxon avaient d’intolérable pour les autres peuples. Le sang indien, mêlé au sang noir et au sang blanc, domine au Mexique malgré les effroyables cruautés de la conquête et les dures exactions de la domination espagnole, et les Indiens de l’Amérique du Nord ne peuvent résister à une politique qui, de quelque manière qu’on la juge, n’a jamais eu rien de la cruauté espagnole. Les débris des Indiens du Canada ont été réduits à l’état le plus pitoyable sous la domination anglaise; mais, à voir la facilité avec laquelle nos Français avaient pris leurs habitudes et étaient entrés dans leur familiarité, il est permis de supposer qu’ils ne seraient point tombés aussi bas, si le Canada avait continué à rester nôtre. Peut-être est-ce simplement cette froideur d’orgueil naturelle au Saxon qu’il faut accuser. Il y a un certain pédantisme dans la conduite que la fierté de la race inspire au Saxon dans ses rapports avec les autres peuples, surtout avec les peuples barbares; or fiez-vous au pédantisme pour stériliser la vie là où il passe, il s’y entend comme ne s’y entendront jamais les passions les plus féroces. Et puis il y a de singuliers mystères dans la sympathie et l’antipathie. Nous avons tous pu remarquer, par exemple, qu’un homme frêle et maigre se fera toujours obéir moins facilement du vulgaire qu’un homme replet et puissant; le géant Goliath sera toujours le roi des Philistins. Il y a dans le type physique du Saxon, dans ses traits nets et anguleux, dans sa tenue rigide et automatique, dans son accent guttural et ses paroles hachées, quelque chose qui éloigne les hommes de race inférieure. Nous le voyons sur notre continent, où l’éternelle caricature de l’Anglais n’a pas d’autre origine que cette impuissance du vulgaire à pénétrer plus avant que les particularités extérieures du type physique. Que sera-ce alors pour le sauvage et l’homme tout à fait naïf? Je me souviens d’avoir été très frappé, il y a quelques années, d’une observation rapportée de Californie par un voyageur fort peu lettré, mais dont le témoignage naïf n’en était que plus précieux. Souvent, dans les premiers temps de la découverte de l’or, les Indiens s’avançaient par troupes vers les travailleurs. Or, s’il arrivait qu’un Anglais leur adressât la parole dans sa langue, c’étaient des rires, des pantomimes grotesques, des grimaces, des imitations burlesques du geste et de l’accent à n’en plus finir; mais entendaient-ils le son de la langue française ou de la langue espagnole, soudain toute parodie cessait. Nous n’attribuons pas à ce fait plus d’importance qu’il n’en mérite; toutefois nous nous permettrons de remarquer que des causes aussi légères en apparence ont déterminé les plus grands événemens, et que, si la longueur du nez de Cléopâtre a décidé des destinées du monde,