Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 75.djvu/176

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

par le prince Borghèse. D’autres statues moins belles sont au musée de Saint-Jean-de-Latran. La bibliothèque de Munich montre un buste, le musée de Dresde une tête de bronze, qui rappellent également Germanicus. La statue du Louvre est l’œuvre la plus remarquable, c’est à elle qu’il faut s’attacher. Elle fait voir Germanicus dans le costume héroïque, c’est-à-dire le torse nu, le bas du corps drapé, l’extrémité du manteau rejetée sur le bras gauche. Il est debout et tient l’épée militaire[1] (parazonium). Le bras droit est étendu avec un geste de commandement contenu et très doux. Le visage n’exprime pas seulement la bonté, on y sent une certaine mollesse affectueuse. On y découvrira peut-être quelques traits de Livie, son aïeule, mais non sa fermeté, sa pénétration, son énergie. La bouche est un peu affaissée vers les coins, ce qui donne l’impression de la mansuétude et surtout trahit la faiblesse du caractère. L’œil est bon et ouvert, le front tranquille, plein d’aménité, moins large que celui de Tibère, comme si le triomphe des nobles instincts et des qualités morales était absolu. Le nez est légèrement aquilin, sans que la courbe en soit nette et accentuée. Le cou est gras et fait penser aux statues d’Antinoüs. Quant aux épaules, elles sont très caractéristiques, parce qu’elles sont hautes, larges, un peu fléchissantes. On trouve une ressemblance entre la partie supérieure de cette statue et celle du Mercure qui est à la villa Ludovisi : les épaules, l’agencement avec le cou, le sentiment plastique, sont presque identiques. Je n’en tire aucune conséquence, c’est un simple rapprochement qu’il est bon de signaler. Enfin, ce qui est exceptionnel, tout à fait nouveau dans l’art romain, la tête est inclinée avec une expression de tristesse. Dans l’antiquité, les divinités inclinent la tête par bonté, comme pour accorder aux mortels ce qu’ils demandent dans leurs prières; mais la tête inclinée de Germanicus offre une expression de mélancolie que l’artiste a cherchée, qui lui a peut-être été suggérée par l’original.

Ainsi nous apparaît sans interprétation forcée ce portrait si conforme au témoignage des anciens. L’art ne dément point l’histoire, lorsqu’à côté des sentimens et des actes les plus nobles il nous fait comprendre la faiblesse de notre héros, et nous montre l’attitude triste, les épaules fléchissantes, la bouche inclinée vers les coins. Les monnaies qui sont frappées à Rome avec les initiales S. C. (senatus-consulto) portent un profil semblable et nous font voir des cheveux qui descendent assez bas sur le cou, mode du temps ou peut-être marque traditionnelle de la race d’Auguste.

  1. C’est une restauration justifiée par l’épée que tient une statue de Claude qui été trouvée dans le même lieu, qui porte le même costume, et qui faisait pendant à la statue de Germanicus dans la basilique ancienne.