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beauté. Frappées dans des villes lointaines, qui n’avaient point de modèle peut-être, elles offrent plutôt le type régulier et irréprochable des Grecs qu’un portrait exact. Les camées ont plus de vraisemblance, et l’on s’attachera surtout au camée de notre cabinet des médailles qui porte le numéro 206. C’est une agate-onyx d’une grande beauté : le buste est vu de face; la couronne de lauriers qui ceint le front est le symbole des prêtresses d’Auguste. Cette figure unit l’harmonie du type grec à la fermeté du type romain. La joue saillante avec les pommettes hautes rappelle les joues des femmes de Raphaël ; les yeux ont un encadrement noble, le visage a une expression charmante, reflet d’une âme plus charmante encore. Cette chaste créature connut à peine le bonheur, et sa vie, après la mort de Drusus, devint un long martyre. Veuve, elle se retire auprès de Livie, sur le Palatin, cachée, vertueuse, filant la laine, tout entière à la mémoire de son époux. Malgré cette solitude, des chagrins viennent sans cesse l’assaillir. Elle a trois enfans, Germanicus, Livilla et Claude. Germanicus mourra jeune comme son père; Livilla empoisonnera le fils de Tibère, son mari, et Antonia obtiendra comme une grâce de la faire mourir elle-même de faim dans le palais pour lui épargner la honte du supplice; Claude, cerveau affaibli, sera pour tous un objet de mépris. Les enfans de Germanicus feront à leur tour couler ses larmes. C’est d’abord Agrippine, sa veuve, persécutée, exilée, expirant dans une île déserte; puis Néron, exilé également et forcé de se laisser mourir; ensuite Drusus, le second de ses petits-fils, qu’on accable de mauvais traitemens à côté d’elle, dont elle entend les cris dans les caves du Palatin, dont elle ne peut empêcher le meurtre; enfin Caligula, le troisième, qu’elle parvient à sauver, mais pour le surprendre, tout jeune encore, commettant un inceste avec sa sœur, et pour se voir infliger par lui, quand il est sur le trône, de telles amertumes et de telles menaces qu’elle préfère se donner la mort. Tel était sous l’empire le sort réservé à une honnête femme : victime de ses propres vertus, dédaignée par des ambitions criminelles qu’elle ne pouvait comprendre, rejetée par l’égoïsme, menacée par la violence, elle semblait avoir prolongé sa vie jusqu’à soixante-quinze ans uniquement afin qu’aucune douleur ne lui fût épargnée, pas même le suicide.

Né d’un père si glorieux et d’une telle mère, Germanicus grandit au milieu des souvenirs les plus purs et des bons exemples. Il était soutenu surtout par l’amour des Romains, dont les regards attendris couvaient le seul rejeton de leurs espérances et un favori choisi dès le berceau. Leur affection avait quelque chose de si familier, que, par une exception unique dans l’histoire romaine, ils ne l’ont jamais appelé ni par son nom ni par son prénom. On ne le