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été démentis par des qualités éminentes. Les cheveux sont coupés carrément sur le front à la mode du temps : aucun des membres de la famille d’Auguste ne fait exception à cette mode. Le nez est droit, avec une narine bien ouverte, sincère, qui semble ne respirer que ce qui est honnête. Les joues sont douces, avec des plans tranquilles. Il n’y a point de ces saillies inquiètes, travaillées, qu’on observe chez Caligula, ou de ces cavités impénétrables qui appartiennent à Tibère. La bouche est franche, pleine de bonté et d’expression. Le menton est rond, net, bien défini, tandis que celui de Tibère est, comme son front, tiré en largeur et a l’étoffe de deux mentons. Enfin tout est droiture, honnêteté, mansuétude, dans cette figure privilégiée, et l’intelligence paraît égale à la beauté.

On peut vérifier du reste l’exactitude du sculpteur en comparant au buste du Louvre un camée du cabinet des médailles[1] qui représente Drusus la tête nue, avec le vêtement militaire qu’on appelait paludamentum ; c’est un magnifique portrait qui respire, comme le marbre du Louvre, la douceur, la grâce et un charme presque féminin. Enfin nous avons des monumens officiels, des monnaies frappées sous Claude en souvenir de Drusus. Les monnaies d’or portent l’inscription suivante : Nero Claudius Drusus Germanicus imperator, et au revers un trophée avec l’inscription De Germanis, pour rappeler ses victoires sur les Germains. Les monnaies de bronze, d’un grand module, portent la même légende. Le revers nous montre une figure assise, vêtue de la toge, tenant un rameau d’olivier à la main, entourée d’armes et d’armures. C’est l’image d’un triomphateur, et ce triomphateur est Drusus.

A côté de cette aimable figure, dont le passage parmi les hommes fut si court et la mémoire si durable, il convient de placer sa femme, Romaine des anciens jours, digne de lai donner un fils et de l’élever après lui, puisque la mort devait le frapper dans la fleur de l’âge. Cette femme s’appelait Antonia. Elle était fille du triumvir Marc-Antoine et de cette douce Octavie, sœur d’Auguste, qui lui avait elle-même donné l’exemple de toutes les vertus. Antonia est représentée sur des monnaies qui datent du règne de Claude, son fils. L’empereur Claude ayant voué à sa mère un culte particulier, plusieurs villes firent graver son effigie sur leurs monnaies, notamment Alexandrie, Amphipolis, Clazomène et Thessalonique. Antonia y est assimilée à Cérès, et porte sur sa tête les attributs de la déesse. On lui donne encore le titre d’Antonia Augusta, parce qu’elle a reçu sous Caligula, son petit-fils, les mêmes honneurs que Livie, qui s’appelait aussi Augusta.

Les monnaies ne font point saisir le caractère personnel de sa

  1. N° 213.