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dans les conditions moyennes où elles fonctionnent, à 12 ou 13 pour 100 de la chaleur empruntée par la vapeur au foyer[1]. Ce résultat, donné par le calcul, concorde avec celui des expériences faites par M. Hirn et que nous avons mentionnées.

Mais d’où vient donc, — et nous nous retrouvons ici au vif de la question, — d’où vient cette limite de 12 ou 13 pour 100 assignée à la puissance productive des machines à vapeur ? Y a-t-il quelque loi qui leur assigne ce terme ? Leur est-il vraiment interdit de le dépasser ? Oui, leur puissance est limitée, elle l’est précisément par le principe de Carnot, et l’on verra mieux comment il faut comprendre cette restriction quand un examen sommaire des machines à air chaud nous aura permis de donner à ce principe une forme mieux définie. Les machines à air chaud ne sont pas d’invention récente. La première fut construite en 1816 par Robert Stirling ; beaucoup de modèles différens ont été essayés depuis cette époque. L’emploi de l’air chaud comme moteur a surtout été l’objet d’une forte vogue il y a une vingtaine d’années, au moment même où les machines à vapeur éprouvaient de leur côté une espèce de discrédit. On a pu croire un instant, comme nous l’avons dit, que la pratique industrielle allait être entièrement renouvelée, qu’on était sur le point de brûler ce qu’on avait adoré et d’adorer ce qu’on avait brûlé. La faveur s’attachait surtout à une machine construite par un ingénieur américain, M. Ericson. Cet appareil a été pendant quelque temps fort usité aux États-Unis. Peu à peu les espérances qu’on avait conçues se sont affaiblies. Des difficultés d’ordre tout pratique sont venues entraver l’essor des moteurs à air chaud ; on a reconnu que les cylindres, les conduits métalliques dans lesquels il faut faire circuler de l’air à une température très élevée, s’oxydent et se détruisent rapidement ; bref, on n’est pas sorti de la période des essais. Les modèles que l’on construit encore çà et là en France et en Angleterre ne sont établis qu’à titre d’expérience ; quant à la fameuse machine d’Ericson, elle paraît elle-même abandonnée en Amérique. Ce n’est pas à dire que les moteurs à air chaud doivent être considérés comme définitivement condamnés. Les obstacles qu’a rencontrés l’emploi de ces engins sont de ceux que la pratique peut vaincre. N’eussent-ils d’ailleurs pour eux que les études théoriques auxquelles ils ont donné lieu, on pourrait dire encore qu’ils ont rendu à la science un service de premier ordre.

Le jeu d’un moteur à air chaud, si nous laissons de côté les par-

  1. Il s’agit ici, bien entendu, de la chaleur qui est réellement communiquée à l’eau de la chaudière, et non pas de celle qui est produite dans le foyer. Cette remarque s’applique à tous les cas que nous examinons dans la présente étude.