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naissantes de la république. Les meneurs professaient une théorie bien connue en Europe, la théorie des échanges sans équivalens, qui leur eût permis d’écouler leurs cotons, leurs céréales, leur riz, leur pétrole et leur tabac sans recevoir en retour des tissus, des vins, des outils, des objets de mode provenant d’outre-mer. Les débats furent longs et vifs, si vifs et poussés si loin qu’à diverses reprises la diplomatie dut intervenir. Non-seulement le compromis de 1832 s’en allait par lambeaux, mais d’article en article on marchait à un interdit presque universel. La résistance du président tempéra seule ces ardeurs ; deux fois il refusa sa sanction, et bon gré mal gré un arrangement intervint. L’aggravation des droits y demeura malgré tout considérable ; dans plusieurs cas, le droit au poids était substitué au droit sur la valeur, notamment pour les soieries, taxées à raison de 2 dollars 1/2 la livre. Les vins devaient payer 30 et 35 centimes par gallon, après avoir été portés à 1 fr. dans les premiers projets. En réalité, dix états de l’Union venaient de faire la loi à seize états, et avaient dicté au détriment de ces derniers, dupes ou complices, les conditions d’un tribut passablement onéreux.

Moitié fiscal, moitié protecteur, le tarif de 1842 ne subit pendant les quinze années suivantes que des remaniemens superficiels. On se contenta de loin en loin, sous la présidence de Plock par exemple, d’ouvrir quelques soupapes de sûreté quand l’activité des échanges périclitait, et qu’un droit voté comme élément de revenu manquait son objet en causant un vide trop marqué dans les recettes du trésor ; besogne épineuse et qui consistait en ceci : ni trop ni trop peu de produits étrangers, une porte ni bien ouverte ni bien fermée. Aussi les effets de ce régime pesèrent-ils bientôt sur la fortune du pays ; manquant de sécurité, les envois d’Europe se succédaient avec plus de circonspection sur un marché chaque jour plus envahi, et les retours se mesuraient naturellement sur les envois. Les ports du littoral voyaient leurs transactions décroître ; dans les états de l’ouest et du sud, les débouchés manquaient aux cultures. Les choses en vinrent au point que, sous Buchanan, le congrès dut se déjuger de nouveau. Il y eut une détente dans les droits de douane, qui furent ramenés au taux réglementaire de 20 pour 100, avec beaucoup d’allégemens dans les formes. Ce fut l’œuvre du tarif de 1857, tarif éphémère, que la guerre civile anéantit, laissant le gouvernement fédéral aux prises avec les expédiens nés d’une lutte gigantesque. La paix faite, à quels principes réparateurs allait-on recourir ? Était-ce à la liberté, qui avait toujours bien servi la république, ou aux restrictions, qui souvent avaient gêné son essor ? C’est dans le sens des restrictions que l’on