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voulez, et plaignez-vous d’être à la fois assez aimable pour plaire à mes goûts frivoles, tandis que vous me prenez l’âme par tout ce qu’il y a de noble et de pur dans la vôtre. Julie ne sera pas jalouse de cette déclaration ; je la porte avec vous dans mon cœur, cette aimable et attachante Julie. — Pourquoi ne me donnez-vous pas de nouvelles de Mme de Luynes et de Mme de Chevreuse ? Je suis inquiète de cette dernière[1], et je vous demande d’aller de ma part savoir de ses nouvelles. — Soyez assez bon aussi pour parler de moi à M. et Mme……. (Le reste de la lettre manque.)


1814, en changeant l’aspect de la France, ramena sur la scène Camille Jordan. Lyon se voyant investi par les armées étrangères, ses concitoyens le nommèrent d’une députation qui fut envoyée à Dijon, au quartier-général de l’empereur d’Autriche. Louis XVIII une fois reconnu roi de France, il fut membre d’une autre députation solennelle chargée de présenter au lieutenant-général du royaume les hommages et les vœux de la cité anti-révolutionnaire. La première restauration toutefois le laissa encore à l’écart, ou du moins simplement mêlé aux affaires et aux fêtes municipales. Un service public à rendre à ses compatriotes lyonnais, un legs considérable à recueillir au profit des hôpitaux, l’obligea vers ce temps d’aller à Londres. Aux approches du 20 mars, il se signala entre les personnes dévouées qui assistèrent Monsieur, comte d’Artois, venu à Lyon pour conjurer le retour de l’île d’Elbe : il fut le dernier, dit-on, à se séparer du prince. Camille Jordan prit tout à fait rang, à cette époque, parmi les royalistes bourbonniens. Il s’effaça néanmoins pendant le reste de cette année 1815, résista aux suffrages qui venaient s’offrir, et ne fit point partie de la chambre introuvable. Il fut lent, selon sa propre expression, à « s’ébranler du sein d’une longue retraite qu’embellissaient pour lui toutes les affections domestiques. » Ce ne fut qu’après l’ordonnance du 5 septembre qu’il fit sa rentrée dans la carrière politique, en 1816. Élu député, il eut bientôt le titre de conseiller d’état. Un nouveau et dernier Camille Jordan, désormais tout en vue, nous apparaît.

Les événemens de 1815 et l’absence de Mme de Staël, qui était partie après les cent-jours pour l’Italie, avaient causé une interruption de correspondance entre elle et Camille. Il est à remarquer cependant combien il est lent et paresseux à écrire, et comme il a. souvent besoin d’être provoqué. Dès le commencement de leur liaison, Mme de Staël l’avait agréablement signalé à Degérando pour ce défaut-là. « Il a une paresse à la Narbonne, » disait-elle. Dans une lettre qu’elle écrivait à Mme Degérando en partant pour l’Italie, et

  1. La duchesse de Chevreuse, exilée, se mourait d’ennui et de consomption ; elle ne tarda pas à s’éteindre à Lyon, en juillet 1813.