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et passablement diffuse. Le docte et pieux cardinal di Pietro, très aimé du souverain pontife, n’en avait pas été le seul rédacteur. Il s’était aidé du concours de deux théologiens renommés pour leur science canonique, les abbés Fontana et Gregori.

Le mérite et les vertus de ces trois auteurs de la bulle étaient au-dessus de toute contestation, mais c’était un mérite et des vertus purement ecclésiastiques. Il n’y avait pas un seul d’entre eux qui fût le moins du monde versé dans les affaires de son temps ou seulement capable de discerner instinctivement quels écueils il importait d’éviter, et quel langage il convenait en si grave occurrence de faire tenir au chef de la catholicité. Non-seulement celui qu’ils avaient mis dans la bouche de Pie VII était intempestivement emprunté aux plus vieilles formules de la chancellerie pontificale, mais il contrastait étrangement par un accent dur et presque altier avec le style ordinaire du modeste pontife. Rien ne rappelait moins sa douceur inaltérable que le ton général de cette pièce et certaines maximes imprudemment hasardées par ses malencontreux interprètes. Que dans cette bulle, destinée à un si grand retentissement, d’une autorité si considérable sous le rapport de la religion et de si grande conséquence en politique, on eût confondu ensemble d’un bout à l’autre, à chaque page, presque dans chaque phrase, les reproches de l’ordre purement temporel et ceux d’un caractère exclusivement spirituel, que dans l’énumération infiniment détaillée des griefs du pape on les eût tous mis pêle-mêle sur le même plan, les plus sérieux venant à la suite des plus futiles, cela était évidemment une maladresse bien dommageable pour la cour de Rome ; mais cette première maladresse devenait presque insignifiante en comparaison de celle qui consistait, lorsqu’on avait à se plaindre d’un souverain — objet de la jalousie et des rancunes de tant d’autres princes qu’il avait vaincus et humiliés, à proclamer en même temps certaines doctrines qui semblaient tout justement calculées pour ranger contre soi et du côté de l’empereur tant d’alliés naturels. A coup sûr, en Europe comme en France, les partisans éclairés de la cause du saint-siège durent se demander ce qu’était devenue la sagesse traditionnelle du Vatican, lorsqu’ils découvrirent au beau milieu de la sentence pontificale ce paragraphe : « si nous ne voulons pas être accusé d’indifférence et de lâcheté, ou même d’avoir honteusement abandonné la cause du Seigneur, il ne nous reste plus qu’à faire taire toute considération humaine et toute prudence charnelle pour mettre en pratique ce précepte de l’Évangile : s’il refuse d’écouter l’église, qu’il soit à vos yeux comme un païen et un publicain. Que nos persécuteurs apprennent donc une fois que la loi de Jésus-Christ les a soumis à notre autorité et à notre trône, car