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comme complément à notre seconde intervention pour le saint-siège une autre expédition de Rome à l’intérieur. Cette fois, c’est le ministre de l’instruction publique, M. Duruy, qui devait payer les frais de la campagne, à ce qu’il paraît. Les chefs de cette réaction cléricale ne manquent pas d’habileté, et il est bien possible qu’ils aient laissé entrevoir au gouvernement la possibilité d’un traité d’alliance qui assurerait aux candidats officiels dans les prochaines élections le concours du parti, si on leur livrait tout d’abord le ministre de l’instruction publique. De là le bruit de la retraite prochaine de M. Duruy. La campagne n’a pu être poussée jusqu’au bout, à ce qu’il semble, ou le gouvernement s’est montré peu sensible aux ouvertures qui ont pu lui être faites, et jusqu’ici de toutes ces rumeurs qui ont couru un instant dans l’atmosphère politique, — disgrâce de M. Duruy, rentrée de M. Drouyn de Lhuys au ministère des affaires étrangères, dissolution prochaine du corps législatif, — de ces rumeurs diverses et confuses, aucune ne paraît fondée. Pour le moment, la politique est en suspens : le corps législatif a pris déjà ses vacances de Pâques après une session qui commence à être laborieuse, et le ministre de la guerre, toujours dans l’intention d’assurer la paix, poursuit l’organisation de la garde mobile, qui ne laisse pas de provoquer une certaine agitation dans le pays.

Nous nous souvenons qu’en 1847 il y avait dans la chambre des députés un petit groupe qui se préoccupait plus vivement que le gouvernement d’alors, plus vivement aussi que l’opposition, des questions qui touchaient à l’état moral des classes ouvrières et à leur condition sociale. M. Dufaure était le plus illustre de ces députés ; M. Vivien en faisait aussi partie, et nous aimons à rappeler la mémoire honorée et regrettée de cet homme de talent et de cœur. L’explosion de 1848 déconcerta les plans et les projets de ce petit groupe parlementaire, tout en justifiant la sûreté de leurs prévisions. Sans vouloir faire aucun rapprochement chimérique entre 1847 et 1868, nous voudrions cependant faire quelques réflexions sur l’état des esprits dans les classes ouvrières en ce moment, soit en France, soit au dehors.

Au dehors, en Suisse et en Belgique, l’agitation est grande parmi les ouvriers. En Belgique, le sang a coulé ; il y a eu des ouvriers et des soldats tués. Les heures de la discussion et de la conciliation ont cessé ; les heures du combat et de la répression ont commencé. Nous espérons que ces heures fatales seront courtes ; mais nous reconnaissons que, selon l’état des esprits, il y a des nécessités inévitables de lutte et de répression. Employer la discussion quand on est attaqué par la force est une aussi grave erreur que d’employer la force quand on est attaqué par la discussion.

En Suisse, à Genève, on n’en est encore heureusement qu’aux heures de la discussion, quoique déjà cependant les ouvriers aient cherché à