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d’outre-mer jouait un certain rôle. Plus tard, quand éclatèrent sur le continent les guerres et les persécutions religieuses, cette affluence de travailleurs venus du dehors prit en quelque sorte le caractère d’un fait permanent et régulier. Durant deux ou trois siècles, l’Angleterre fut un port de refuge pour tous ceux dont la fortune et la profession avaient échoué dans d’autres états au milieu des tempêtes soulevées par l’intolérance. Ces blanches falaises de craie, debout sur les vagues et formant la ceinture de l’île inviolable, attiraient de loin les regards des huguenots qui souffraient dans leur pays et ne voulaient point abjurer leurs convictions. L’éclatante prospérité dont jouissent maintenant l’industrie et le commerce de la Grande-Bretagne a été le fruit de la liberté religieuse et politique. Après tout, l’Angleterre ne conserve-t-elle point un juste héritage, et ne recueille-t-elle point à bon droit les avantages qu’elle a semés ? Ces germes déposés dans son sein par la persécution, c’est elle qui les a protégés, fécondés, et l’aveu des emprunts faits dans de pareilles circonstances aux industries étrangères né saurait coûter beaucoup à l’amour-propre d’une nation.


I

Les plus anciennes colonies d’artisans datent de la seconde moitié du XIIe siècle, et l’une d’entre elles existe encore sur le sol de la Grande-Bretagne. Parcourant le sud du pays de Galles, je fus frappé, il y a deux ans, de trouver aux environs de Swansea, dans une sorte de péninsule dont la pointe porte le nom de Gower, des groupes de maisons et des habitans dont les caractères extérieurs me rappelèrent tout d’abord les Flandres. Cette population locale se distingue en effet de ses voisins les Welches par le costume, la langue et les traits de la physionomie. Depuis un temps immémorial, elle vit à part et ne souffre guère que ses garçons ni ses filles contractent des unions avec la race gallique. Il semble qu’elle tienne à conserver la trace de son origine étrangère. Ces intrus (ainsi les considèrent les gens de la principauté de Galles) sont les descendans de familles flamandes qui vinrent chercher fortune en Angleterre sous le règne de Henri II, après avoir été chassés de chez elles par une de ces inondations qui ravageaient alors trop souvent les Pays-Bas. Le roi les accueillit, et, comme il avait besoin d’hommes industrieux et entreprenans pour défricher les terres incultes qui s’étendaient autrefois du côté de Carlisle, il les envoya près de la frontière de l’Ecosse. C’était un désert, et en dépit de leurs efforts les émigrés ne purent s’implanter sur ce sol ingrat, qui défiait les ressources et le courage des plus intrépides. Henri II, averti par cette expérience malheureuse, les dirigea plus tard vers la presqu’île de Gower. Là