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efforts de la papauté. Elle tourna contre eux le sentiment catholique et le sentiment national. Ces nobles formaient, comme on dirait aujourd’hui, le parti de l’étranger. Ils étaient pour l’empereur, pour la domination impériale en Italie, dans la pensée que la liberté des municipes italiens était plus efficacement garantie sous le couvert de l’empire que sous celui du sacerdoce. Par une brusque volte-face, les papes se firent les défenseurs des villes libres et des ligues républicaines, et cette politique habile, dans laquelle Rome ne devait pas toujours se maintenir, tourna contre le gibelinisme et la dissidence l’esprit municipal et le parti guelfe. Dès lors on procéda par des coups de main, des émeutes populaires et des croisades partielles contre les seigneurs dont le château abritait la congrégation sectaire. C’est ainsi que fut chassé de Milan cet Uberto Pallavicini qui avait reçu le cathare provençal Béranger, et qu’à Bergame le comte Egidio di Cortenova vit ses tours rasées et ses châteaux démolis. Les familles des Gambara, des Ugoni, des Oriani, des Bottazzi et des Biandrate éprouvèrent le même sort. Le dernier soulèvement eut lieu en 1306 contre le fameux frà Dolcino, retranché dans les montagnes de la Valsesia. Partout vaincue sur le cours du Pô, l’hérésie accomplit de ce côté le même mouvement que de l’autre ; elle fuit les pays de plaines et les centres de populations, et s’amasse sur les sommités des Alpes, où va se jouer désormais le véritable drame vaudois.


IV

La grande lutte à laquelle nous venons d’assister est suivie d’une sorte de lassitude pendant le XIVe siècle. L’inquisition est toujours à l’œuvre dans le midi de la France et dans le nord de l’Italie ; mais les pouvoirs séculiers sont fatigués de frapper, l’église est paralysée dans son action contre la dissidence par ses propres dissensions intérieures, par l’exil d’Avignon et par ce qu’on a appelé le schisme d’Occident. Les sectes mirent à profit ce moment de répit pour aller se reformer dans les retraites inaccessibles. L’inquisition voulut les y poursuivre, mais elle rencontra des résistances inattendues de la part des châtelains montagnards. Grégoire XI écrit au roi de France, en 1373, pour se plaindre des seigneurs du Dauphiné qui, dit-il, mettent des obstacles au travail des inquisiteurs, les forcent à tenir leur tribunal dans les lieux ouverts et exposés aux attaques des ennemis de la foi, ne leur permettent pas d’instrumenter sans le concours des juges civils, et les contraignent à révéler le secret de leurs procédures. « Hâtez-vous, ajoute-t-il, de remédier à une telle conduite, sous peine de vous attirer l’indignation des saints apôtres-Pierre et Paul. » Du côté de l’Italie, les adhérens de la