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quinquinas, grands arbres du Pérou, que la médecine est redevable de ses plus admirables moyens thérapeutiques. L’écorce amère des quinquinas contient deux alcalis organiques, la quinine et la cinchonine, que la chimie est parvenue à isoler, et dont la préparation est sans contredit l’une des plus précieuses découvertes du XIXe siècle. La quinine permet d’administrer sous un très petit volume de fortes doses de quinquina, et devient alors ce médicament « héroïque » à la vertu duquel cèdent presque toujours les fièvres paludéennes. Le quinquina possède en outre au plus haut degré les vertus des médicamens toniques employés pour fortifier l’organisme et activer les fonctions vitales. Est-il besoin d’insister beaucoup sur l’importance du caféier, la dernière de nos rubiacées célèbres ? Le caféier, arbrisseau vert de l’Abyssinie, a été transporté au XVe siècle en Arabie, au XVIIe à Batavia, et enfin naturalisé aux Antilles en 1720. La graine du caféier, dans laquelle la chimie trouve, entre autres élémens, un alcali organique appelé caféine, exhale par la torréfaction un arôme pénétrant, et sert à préparer une boisson qui paraît exercer sur les fonctions du cerveau une stimulation toute particulière. Cette liqueur, médicalement employée, peut devenir un remède efficace dans le traitement des fièvres intermittentes, atténue l’asthme, la goutte, et combat énergiquement le narcotisme produit soit par l’alcoolisme du vin, soit par les propriétés stupéfiantes de l’opium. Une famille non moins intéressante est celle des solanées, qui renferme la belladone, le datura, la jusquiame, la mandragore, le tabac et la pomme de terre. Tous ces végétaux contiennent, en des proportions diverses, des substances acres ou narcotiques plus ou moins délétères. On sait quel rôle jouaient la mandragore et le datura dans les scènes de sorcellerie antique, et quels services rendait aux voleurs de toute sorte le narcotisme produit par ces redoutables solanées chez ceux qu’ils voulaient dépouiller. Il ne faut pas oublier toutefois que la science a su tirer parti des propriétés vénéneuses des solanées, et que la plupart d’entre elles sont dès longtemps rangées parmi les plantes médicales.

C’est ainsi que dans le Traité général de botanique de MM. Le Maout et Decaisne sont passées en revue toutes les familles, qui défilent aux yeux du lecteur avec leur cortège d’innombrables espèces auxquelles l’homme est redevable de toutes les beautés de la terre qu’il habite et des élémens de force qui font sa vie et sa santé. Les dessins élégans et corrects qui accompagnent le texte sont dignes de l’ouvrage ; mais on regrette, à cause de cette perfection même, que l’image de la plante entière, convenablement réduite, ne se trouve pas toujours à côté des feuilles, des fleurs et des fragmens d’organe dont une habile dissection fait si bien comprendre la configuration et l’emploi.


ED. GRIMARD.


L. BULOZ.