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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 mars 1868.

Nous résumerons brièvement notre opinion sur la loi de la presse, enfin votée par le corps législatif. Les dernières discussions et les derniers votes l’ont alternativement améliorée et gâtée. Grâce aux efforts de nos défenseurs infatigables, les Jules Simon, les Picard, les Ollivier, les Jules Favre, les Thiers, grandissant toujours en talent, grâce surtout à la probité de la conscience publique indignée, la peine de l’incapacité politique, dont le projet de loi menaçait les écrivains, a été exclue de la loi. Cette monstruosité avait surtout stupéfié et révolté les libéraux étrangers, qui nous jugent avec sang-froid, et qui se refusaient à croire qu’il y eût en France des esprits capables de nourrir une pareille conception. Les virtuoses de la criminalité et de la pénalité ont eu, eux aussi, leurs succès. Ils ont fait passer les grosses amendes, portées à un taux qui équivaut à la confiscation ; ils ont rétabli les peines corporelles, la prison ; un dilettante de cette école, M. de Guilloutet, se fera une renommée peu enviable par la disposition qu’il a introduite relativement à la vie privée. Ce député, ignorant l’histoire, ne sait point que dans les temps où la presse a joué en France un grand rôle politique les intérêts de la vie privée y ont toujours été respectés, et que la presse, faisant la police d’elle-même, flétrissait avec sévérité les pamphlétaires dégradés de la diffamation. Les fiscaux aussi ont eu leur triomphe : ils ont rétabli des douanes intérieures contre la circulation des produits de la pensée, ils ont posé des distinctions entre les journaux de Paris et les journaux des départemens qui violent les principes français de l’égalité sous l’impôt ; ils ont méconnu les doctrines élémentaires de la liberté du commerce adoptée par le gouvernement ; ils frappent, sous le nom de timbre, d’un droit prohibitif de 33 pour 100, l’objet de consommation qu’on appelle un journal. Et à quel résultat arrivent-ils avec cette belle poli-