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CAMILLE JORDAN
ET
Mme DE STAËL

La vie de Mme de Staël a bien des branches ; sa correspondance, si on l’avait au complet, en donnerait naturellement les divisions. On aurait une suite de chapitres : Mme de Staël et Benjamin Constant ; — Mme de Staël et Matthieu de Montmorency ; — Mme de Staël et Guillaume Schlegel ; — Mme de Staël et M. de Barante, etc., etc. Malheureusement nombre de ces séries ont été détruites. Une bienveillance toute particulière, une confiance dont je me sens honoré[1] me remet entre les mains une suite de lettres de cette femme illustre qui ont échappé au double désastre d’une ruine et d’un incendie. Ce sont des lettres et billets intimes, adressés par Mme de Staël à Camille Jordan, à cette âme affectueuse et sympathique, à cette âme chaleureusement oratoire qui s’était annoncée et révélée dans le conseil des cinq cents, et qui s’exhala en 1821 dans des accens d’éloquence déjà prophétiques, à l’heure où cette restauration qu’il aimait, mais qu’il avertissait, fit pour jamais fausse route et s’égara. Je profiterai de l’occasion inappréciable qui m’est offerte pour parler de Camille Jordan, pour

  1. Je dois cette communication à M. Arthur de Gravillon, petit-fils de Camille Jordan, qui, à la demande de mon ami M. R. de Chantelauze, a bien voulu rechercher, dans ses papiers de famille, tout ce qui pouvait m’intéresser. M. A. de Gravillon est lui-même un esprit cultivé, ami des lettres, digne héritier, par ce côté, de son aïeul maternel. Il est l’auteur de quelques écrits piquans qui ont eu un succès d’à-propos assez vif dans le monde lyonnais.