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connaissons encore. Quand nous faisons allusion en effet aux plantes des tropiques comme correspondant à celles de l’ancienne Europe, il ne faudrait pas en conclure que la végétation tropicale ait aujourd’hui la même physionomie que celle des périodes primitives. Rien ne serait moins exact. Si dans les régions intertropicales des circonstances particulières ont permis aux anciens types de se maintenir, ils ne s’y montrent à côté des types plus récens que dans un état de subordination et d’isolement. Ils nous servent néanmoins à établir un trait d’union entre le présent et le passé. En Europe, il n’en est plus de même : les formes antérieures à l’âge de la craie ont presque complètement disparu, et il y est même resté fort peu de vestiges de celles des premiers temps tertiaires. Il faut donc savoir distinguer dans l’étude du développement des formes anciennes ce qui dépend du mode d’évolution propre à l’ensemble des êtres organisés et ce qui tient à l’influence perturbatrice du climat. Tant que l’Europe est demeurée en possession d’un climat chaud, l’action éliminatrice qui résulte de l’abaissement de la température n’a pu s’y manifester. L’essor de la végétation européenne n’était originairement arrêté par aucun obstacle de cette nature. Ce serait pourtant une erreur d’une autre sorte que de s’exagérer le degré d’élévation de cette chaleur. Les cycadées, les araucarias, les fougères en arbre elles-mêmes, se contentent fort bien d’une moyenne annuelle de 18° à 20° centigrades, et rien ne prouve par conséquent que l’Europe du temps secondaire ait eu un climat beaucoup plus chaud. Plus tard au contraire, la température s’est abaissée, et les effets de ce refroidissement sont venus compliquer ceux de l’évolution organique. Certains groupes se sont trouvés favorisés, d’autres exclus, et de ce conflit est sortie enfin cette végétation appauvrie qui est restée notre apanage. Quelle était la cause de cette élévation originaire de la température sous nos latitudes, élévation supérieure de 10° centigrades au moins à ce qu’elle est aujourd’hui aux mêmes lieux, et pourquoi a-t-elle disparu depuis ? Il y a là une inconnue à dégager, une solution que la géologie cherche encore.

On a essayé successivement de plusieurs hypothèses. La plus ancienne, admise encore généralement aujourd’hui, consiste à se prévaloir de l’action prolongée de la chaleur centrale. Une pareille cause a dû agir en effet dans un passé très reculé, mais il est difficile de dire à quelle époque il faut raisonnablement arrêter ce passé. Si l’on songe d’un côté à la faible faculté de transmissibilité calorique des matières qui composent l’écorce terrestre, de l’autre à la puissance des couches déposées successivement au fond des eaux et en particulier des plus anciennes, on ne voit pas trop comment la chaleur centrale aurait pu les traverser. Un seul des étages