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température excessive, comme on l’a supposé quelquefois. Quant aux formes des végétaux de cet âge, elles diffèrent essentiellement de ce que nous avons sous les yeux. Les arbres avaient tous dans le port quelque chose d’insolite qu’on ne retrouve que dans la flore de certaines régions équatoriales. M. Adolphe Brongniart, un des savans qui ont le mieux fait connaître cette curieuse époque, a parfaitement montré tout ce que l’aspect général du paysage avait de morne et d’uniforme. Parmi ces tiges de calamités, de lépidodendrons, de sigillaires, érigées avec tant de raideur, divisées suivant des lois presque mathématiques, dont les feuilles pointues et coriaces se dressent de toutes parts, aucune fleur ne se montrait encore. Les organes sexuels étaient réduits aux seules parties indispensables ; privés d’éclat, ils ne se cachaient sous aucune enveloppe. La nature, devenue peu à peu opulente, a rougi plus tard de sa nudité ; elle s’est tissé des vêtemens de noce : pour cela, elle a su assouplir les feuilles les plus voisines des organes fondamentaux, elle les a transformées en pétales ; elle en a varié la forme, l’aspect et le coloris. En compliquant ainsi des appareils d’abord réduits, aux parties les plus essentielles, elle a créé la fleur, comme la civilisation a créé le luxe, en le faisant sortir peu à peu des nécessités de l’existence améliorée et embellie.

La végétation des temps primitifs est donc bien réellement un point de départ. On y découvre le germe et l’origine de ce qui a paru depuis ; mais la variété, la souplesse, la grâce, y manquent absolument. On n’y remarque rien qui ressemble à nos arbres touffus et élancés dont la tige disparaît sous dès rameaux sans nombre, rien de cette féconde diversité qui donne une physionomie à chaque individu de nos forêts, de ce vague et harmonieux désordre qui charme dans la nature libre ; ce qu’on y trouve plutôt, c’est quelque chose de dur, de régulier, de sévère, où se révèle une beauté triste et surtout immobile. Il fallait qu’il s’écoulât encore des myriades de siècles et que la configuration des terres changeât à bien d’es reprises pour que le monde végétal perdît ce premier aspect. Rien de brusque ne se manifeste jamais dans la marche qui entraîne par d’insensibles transformations la nature organique vers d’autres destinées. Il serait impossible de suivre ces changemens pas à pas ; nous essaierons cependant d’en esquisser les principaux traits-[1].

  1. Le temps des houilles fuit partie de la longue période dite primitive ou paléozoïque ; parce que la vie s’y est manifestée pour la première fois. La période de transition qui succède immédiatement à celle des houilles se nomme permienne ou simplement le permien à cause du gouvernement de Perm en Russie, où les dépôts qui s’y rattachent prennent. une grande extension ; puis vient la longue série des temps secondaires, dans lesquels nous distinguerons seulement trois termes sous les noms de trias, de Jura et de craie. Enfin les temps secondaires furent suivis d’une autre période à laquelle on a donné le nom de tertiaire ; celle-ci nous amène jusqu’à l’origine des temps. modernes.