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des paysages de notre Europe aux divers âges géologiques, elle détermine le climat que nos contrées devaient offrir, les animaux qu’elles nourrissaient, et les transformations accomplies dans les deux règnes longtemps avant l’apparition de l’homme.

Les plantes d’autrefois en effet n’ont pas disparu sans laisser d’elles des vestiges qui sont comme le souvenir de leur passage sur la terre ; mais ces vestiges, les gens du monde, même les plus instruits, ont d’abord quelque peine à en comprendre le sens. Lorsque le hasard ou la curiosité les met en présence d’une collection de ce genre, certaines pièces très apparentes, comme les troncs de la forêt pétrifiée du Caire, attirent seules leur attention ; partout ailleurs ils n’entrevoient que des linéamens confus. Des plaques bizarrement colorées, tantôt brunes sur un fond gris, tantôt entièrement noires, défilent sous leur regard, et sont pour eux autant d’énigmes qu’ils se lassent bientôt de chercher à deviner. Ce sont pourtant là les phrases éparses du vieux livre de la nature. Si l’on s’attache à les déchiffrer, on oublie bien vite la singularité des caractères et le mauvais état des pages. La pensée se lève, les idées se développent, la chronique se déroule ; c’est la tombe, et quelle tombe ! qui parle et laisse échapper son secret. Le naturaliste le plus modeste opère parfois ces merveilles ; il retrouve, en observant un morceau en apparence informe, un organe isolé, une feuille par exemple, dont la connaissance lui permet de reconstruire le végétal tout entier. La loi de l’analogie nous autorise à juger du passé par ce que nous avons sous les yeux, et a rendu en tout temps les parties d’un même ensemble tellement solidaires que des associations disparates n’ont jamais été possibles. Toutefois, si l’harmonie la plus constante a toujours présidé aux manifestations de la vie organique, les débris végétaux fossiles se présentent sous des états très divers, dont la différence est due à la variété des circonstances qui nous les ont conservés. Il faut bien en dire quelques mots pour expliquer le genre de matériaux dont la science dispose et sur lesquels elle a basé ses déductions.

Des substances épaisses et résistantes, comme les bois, peuvent, dans certains cas très rares, n’avoir subi qu’une altération superficielle ; mais presque toujours les végétaux anciens ont été changés sous l’action d’une combustion lente en une masse charbonneuse et compacte. Telle est l’origine de nos combustibles minéraux, la houille, l’anthracite, le lignite, la tourbe. M. Goeppert a démontré dernièrement qu’on pouvait extraire des houilles les plus anciennes d’imperceptibles fragmens qui, ayant conservé des traces de la structure primitive, indiquent la nature et la proportion des essences auxquelles est due la formation des houillères. Ces sortes de résidus nous ramènent aux premiers âges du monde ; l’esprit s’effraie